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LOT 22

ARTAUD. Berlin vu de l'extérieur. Manuscrit inédit. [Fin avril-mai 1932 ?]. 24 p. in-8. Important texte sur la capitale.

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ARTAUD, ANTONIN

BERLIN, VU DE L’EXTÉRIEUR. MANUSCRIT AUTOGRAPHE INÉDIT. [FIN AVRIL-MAI 1932 ?]

24 pages in-8 (210 x 134 mm) sur 6 bifeuillets de papier quadrillé ; la fin manque.
Trace de pliure en deux ; tache de café sur la dernière page.

Fasciné par la Berlin décadente de la République de Weimar.

Important texte totalement inédit.

Datation. Artaud a séjourné à Berlin, l’une des capitales du cinéma européen, pour la première fois en juillet-août 1930, pour jouer dans des scènes de La femme d’une nuit de Marcel L’Herbier, puis en octobre-novembre 1930, pour jouer dans une version française de L’Opéra de quat'sous de Pabst. Ce texte date de son troisième et dernier séjour berlinois, en avril-mai 1932, quand il y était retourné pour jouer dans un film de gangsters, puisqu’il écrit : "pour qui serait venu à Berlin vers le printemps de 1930, la vie de Berlin n’a pas changé". Notons que c’est durant ce troisième séjour qu’il situera, plus tard, sa rencontre avec Hitler dans un café à la mode de Berlin, peut-être l’un de ceux qu’il décrit ici.

En juillet 1930, Artaud écrivait de Berlin à René Allendy : "Berlin […] est une ville d’un luxe étonnant et d’une licence effarante. J’y suis constamment ahuri par ce que je vois" (Œuvres complètes, t. III, p. 183). Ce long texte de 24 pages denses permet de développer ses impressions, qu’il transforme en un portrait très vif de la capitale dans lequel se décèle sa fascination mêlée de dégoût pour Berlin.

Paris contre Berlin : un rythme. C’est d’abord le rythme différent des deux capitales qui le frappe : "Toutes les villes du monde ont un rythme, je veux dire une façon musicale d’être [souligné], de se comporter. Je veux dire que la vie y affecte une sorte de tempo musical [souligné], ce qu’en musique on appelle le tempo, comparable au battement d’un pouls, à la circulation du sang dans les artères, et que ce rythme si on pouvait l’entendre, le traduire auditivement composerait une singulière harmonie. Paris a un rythme rapide, en trois et même en quatre temps, pressé, dense, effervescent. Berlin a un rythme lent que les Berlinois et Berlinoises qui marchent dans les rues à grands pas et très vite [souligné], marchant leur marche d’un battement régulier des deux bras, accusent magnifiquement bien ce rythme extérieur humble qu’il est facile d’analyser." À ce rythme différent des villes correspond un rythme "intérieur", un "rythme de la vie même, la vie d’une grande ville" : "Ce nouveau rythme uniquement moral et qui reflète les inquiétudes et les préoccupations cachées d’une ville, son orientation intellectuelle, ses idées". Il se propose d’établir une "étude approfondie et patiente" de la ville, qui lui semble, en ces années 30, vivre "une véritable agonie". Il évoque le "Kurfürstendamm, imitation des Champs-Elysées dont les berlinois reconnaissent aux siens l’artifice", et en décrit l’agitation et le décor moderne : "arrangé comme une ville d’eau de luxe", le quartier "déborde au beau milieu de l’été, de fleurs, de plantes, de musiques, d’affiches alléchantes, et d’enseignes décoratives qui font l’effet d’un gigantesque tape-à-l’œil." Et de comparer l’impression de vie provinciale qui règne à Paris malgré un "débordement de luxe, de décor, de lumières" par rapport à la capitale allemande : "Nous ne connaissons pas, en effet à Paris, ces cafés de quatre étages qui occupent eux seuls tout un immeuble". Le visiteur se demande "comment Berlin est capable de fournir ce nombre […] excessif" de cafés de luxe ou de de consommateurs : "peut être parce que les cafés de Berlin sont sans terrasse. […] Il n’y a pas à Berlin des terrasses mais il y a devant chaque café une sorte de Bluekkens ou de pergola surélevées et ceintes de […] plantes." Artaud décrit les gens qui "font du bruit, beaucoup de bruit et parlant de leur affaires", parle de leur "accent tonique qui éclate comme une détonation". Il dépeint ensuite les heures de vie, autre forme de rythme : "Je le répète le rythme extérieur de Berlin est très variable ; les gens se lèvent très tôt ou très tard […] et la journée est curieusement inversée. Les banques ouvrent à 9h et marchent sans arrêt jusqu’à 2 heures de l’après-midi heure à laquelle elles ferment définitivement et où le personnel va déjeuner".

Le luxe et la pauvreté. Artaud voit se mêler différentes catégories sociales, par exemple lors du déjeuner. Les employés "sortent de leur serviette d’hommes d’affaires" fromages et charcuteries ; on croise "dans les rues tout un peuple à serviette de notaire et qui marche […] à grands pas", puis ce sont les ouvriers, les vieillards, des gens avec des "casquettes courtes de marin [qui] se répondent dans les rues la serviette sous le bras […] comme s’ils amenaient avec eux leurs papiers d’affaires". Il décrit ensuite le "grand café […] à deux pas de la gare où s’arrête le train de Paris", très "caractéristique de l’art décoratif moderne à Berlin" qui resplendit le soir "comme un navire", avec "toute une végétation de...

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22 Jun 2020
France, Paris
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ARTAUD, ANTONIN

BERLIN, VU DE L’EXTÉRIEUR. MANUSCRIT AUTOGRAPHE INÉDIT. [FIN AVRIL-MAI 1932 ?]

24 pages in-8 (210 x 134 mm) sur 6 bifeuillets de papier quadrillé ; la fin manque.
Trace de pliure en deux ; tache de café sur la dernière page.

Fasciné par la Berlin décadente de la République de Weimar.

Important texte totalement inédit.

Datation. Artaud a séjourné à Berlin, l’une des capitales du cinéma européen, pour la première fois en juillet-août 1930, pour jouer dans des scènes de La femme d’une nuit de Marcel L’Herbier, puis en octobre-novembre 1930, pour jouer dans une version française de L’Opéra de quat'sous de Pabst. Ce texte date de son troisième et dernier séjour berlinois, en avril-mai 1932, quand il y était retourné pour jouer dans un film de gangsters, puisqu’il écrit : "pour qui serait venu à Berlin vers le printemps de 1930, la vie de Berlin n’a pas changé". Notons que c’est durant ce troisième séjour qu’il situera, plus tard, sa rencontre avec Hitler dans un café à la mode de Berlin, peut-être l’un de ceux qu’il décrit ici.

En juillet 1930, Artaud écrivait de Berlin à René Allendy : "Berlin […] est une ville d’un luxe étonnant et d’une licence effarante. J’y suis constamment ahuri par ce que je vois" (Œuvres complètes, t. III, p. 183). Ce long texte de 24 pages denses permet de développer ses impressions, qu’il transforme en un portrait très vif de la capitale dans lequel se décèle sa fascination mêlée de dégoût pour Berlin.

Paris contre Berlin : un rythme. C’est d’abord le rythme différent des deux capitales qui le frappe : "Toutes les villes du monde ont un rythme, je veux dire une façon musicale d’être [souligné], de se comporter. Je veux dire que la vie y affecte une sorte de tempo musical [souligné], ce qu’en musique on appelle le tempo, comparable au battement d’un pouls, à la circulation du sang dans les artères, et que ce rythme si on pouvait l’entendre, le traduire auditivement composerait une singulière harmonie. Paris a un rythme rapide, en trois et même en quatre temps, pressé, dense, effervescent. Berlin a un rythme lent que les Berlinois et Berlinoises qui marchent dans les rues à grands pas et très vite [souligné], marchant leur marche d’un battement régulier des deux bras, accusent magnifiquement bien ce rythme extérieur humble qu’il est facile d’analyser." À ce rythme différent des villes correspond un rythme "intérieur", un "rythme de la vie même, la vie d’une grande ville" : "Ce nouveau rythme uniquement moral et qui reflète les inquiétudes et les préoccupations cachées d’une ville, son orientation intellectuelle, ses idées". Il se propose d’établir une "étude approfondie et patiente" de la ville, qui lui semble, en ces années 30, vivre "une véritable agonie". Il évoque le "Kurfürstendamm, imitation des Champs-Elysées dont les berlinois reconnaissent aux siens l’artifice", et en décrit l’agitation et le décor moderne : "arrangé comme une ville d’eau de luxe", le quartier "déborde au beau milieu de l’été, de fleurs, de plantes, de musiques, d’affiches alléchantes, et d’enseignes décoratives qui font l’effet d’un gigantesque tape-à-l’œil." Et de comparer l’impression de vie provinciale qui règne à Paris malgré un "débordement de luxe, de décor, de lumières" par rapport à la capitale allemande : "Nous ne connaissons pas, en effet à Paris, ces cafés de quatre étages qui occupent eux seuls tout un immeuble". Le visiteur se demande "comment Berlin est capable de fournir ce nombre […] excessif" de cafés de luxe ou de de consommateurs : "peut être parce que les cafés de Berlin sont sans terrasse. […] Il n’y a pas à Berlin des terrasses mais il y a devant chaque café une sorte de Bluekkens ou de pergola surélevées et ceintes de […] plantes." Artaud décrit les gens qui "font du bruit, beaucoup de bruit et parlant de leur affaires", parle de leur "accent tonique qui éclate comme une détonation". Il dépeint ensuite les heures de vie, autre forme de rythme : "Je le répète le rythme extérieur de Berlin est très variable ; les gens se lèvent très tôt ou très tard […] et la journée est curieusement inversée. Les banques ouvrent à 9h et marchent sans arrêt jusqu’à 2 heures de l’après-midi heure à laquelle elles ferment définitivement et où le personnel va déjeuner".

Le luxe et la pauvreté. Artaud voit se mêler différentes catégories sociales, par exemple lors du déjeuner. Les employés "sortent de leur serviette d’hommes d’affaires" fromages et charcuteries ; on croise "dans les rues tout un peuple à serviette de notaire et qui marche […] à grands pas", puis ce sont les ouvriers, les vieillards, des gens avec des "casquettes courtes de marin [qui] se répondent dans les rues la serviette sous le bras […] comme s’ils amenaient avec eux leurs papiers d’affaires". Il décrit ensuite le "grand café […] à deux pas de la gare où s’arrête le train de Paris", très "caractéristique de l’art décoratif moderne à Berlin" qui resplendit le soir "comme un navire", avec "toute une végétation de...

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France, Paris
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