ARTISTE PICARD TRAVAILLANT EN PROVENCE (VERS 1460 - 1465)

L'Adoration de l'Enfant
La Pietà
Paire de panneaux amincis et insérés dans des panneaux modernes; deux volets d'un diptyque (restaurations).
H_45,5 cm L_22 cm
Provenance: acheté à Rome pour le baron Fredegand Cogels dans les années 50. Resté dans la famille.
Nos tableaux de taille et de structure identiques ont sans doute formé à l'origine les volets d'un diptyque destiné à la dévotion particulière du donateur, représenté dans le coin inférieur gauche de la Pieta, en moine bénédictin.
Ces deux épisodes de la vie du Christ se développent particulièrement à la fin du XIVe et au XVe siècles sous l'influence de textes tels que: la Nativité relatée selon les Visions de sainte Brigitte de Suède (1302-1373). La Pietà, thème qui prend ses racines en Rhénanie dans les “Vesperbild” - images vénérées au moment des vêpres - met davantage en avant la Vierge et le Christ, en insistant sur l'affliction de la Vierge devant son fils mort (cf. I. Ragusa, B. Green, Meditations on the Life of Christ, Princeton 1961, ch. LXXXII, p. 342)
La réalisation de ces deux panneaux a été influencée par l'art flamand du début du XVe siècle, autant que par des personnalités artistiques travaillant dans le midi de la France. L'influence de Roger van der Weyden ou Jan Van
Eyck se fait sentir dans le corps raidi et crispé du Christ, dans les anges musiciens avec leur couronne sommée d'une croix, dans le souci du détail.
Autre foyer artistique qui dut frapper notre peintre: la Provence. On peut penser à la Pietà d'Avignon d'Enguerrand Quarton, peintre originaire de Picardie, connu en Provence de 1444 à 1466 (voir Ch. Sterling, Enguerrand
Quarton, le peintre de la Pietà d'Avignon, Paris 1983, pp.81-104, reproduit fig.56). De ces influences conjuguées se détache cependant une personnalité dont les origines doivent être recherchées dans le Nord de la France: la forme longiligne des personnages, le graphisme aigu de certains contours, les visages oblongs, les carnations blanches, la préciosité des gestes, les doigts effilés et le traitement des draperies, rappellent les oeuvres issues du milieu picard (voir. Ch. Sterling, «La peinture picarde sur panneau et son rayonnement dans le nord de la France au XVe siècle», Bulletin de la Société de l'Histoire de l'art français, séance du 3 février 1979, ed.1981).
Ainsi l'auteur de nos deux panneaux a-t-il pu se former dans le milieu artistique picard où il aurait subi les influences des états limitrophes et, comme d'autres peintres de sa région, a-t-il pu s'expatrier au sud de la France pour fuir au milieu du XVe siècle guerres et exactions qui ruinaient sa région d'origine, et admirer les oeuvres produites par ses compatriotes émigrés avant lui en Provence.