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LOT 43

ATTRIBUÉ À FRANÇOIS TOPINO-LEBRUN MARSEILLE, 1764 - 1801, PARIS

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ATTRIBUÉ À FRANÇOIS TOPINO-LEBRUN MARSEILLE, 1764 - 1801, PARIS

Le Tribun du Peuple ou Portrait présumé de Gracchus Babeuf (1760-1797)

Huile sur toile marouflée sur panneau

144,4 x 109,8 cm

L’homme s’est avancé à la tribune, il est campé devant son auditoire. D’une main, il tient un discours serré contre sa poitrine tandis que de l’autre, son poing est fermement posé vers l’avant. Créant ainsi un lien entre les plans du tableau, le peintre fait de nous les audi - teurs de la parole à venir. 1 Sous une apparente économie de symboles, le portrait affirme dans le même temps sa vocation de manifeste politique. L’habit bleu nuit, associé au blanc immaculé de la chemise et au rouge vif de la toge font de la tenue un instrument de pouvoir, un « appareillage symbolique » selon l’expression d’Erving Goffman, très justement reprise par Patrice Bret 2 à propos du Portrait de Jean-Baptiste Desmolin (1751 - 1843) (Fig. 1). Dans les traits du modèle de Topino-Lebrun, c’est le visage épais à la mâchoire puissante de Gracchus Babeuf que l’on reconnaît. Figure révolutionnaire emblématique, il est un homme issu d’une lignée modeste. Entré comme terrassier à l’âge de douze ans au canal de Picardie, il se fait engager comme apprenti d’un notaire feudiste à dix-sept ans, avant de devenir géomètre. Lecteur de Rousseau (1712 - 1778), Diderot (1713 - 1784), l’abbé Mably (1709 - 1785), il se forge une idéologie empreinte du Siècle des Lumières. Très vite, il se fait défenseur du peuple pauvre contre une minorité détenant la majorité des richesses. Il réclame une répartition égale de la propriété et par-là, préfigure le communisme que théorisera Karl Marx (1818 - 1883) notamment. S’il s’appelait François Noël, Babeuf prend le nom de Gracchus, référence aux deux frères Gracques qui, au II e siècle av. J.-C., avaient tenté de réformer le système social romain. Avec leurs partisans, ils furent massacrés au cours des émeutes que leurs projets de réformes avaient provoquées. Véritablement, Babeuf se rattache à l’histoire antique et s’inscrit dans une lignée prestigieuse, encline à légitimer sa démarche politique. Le 3 septembre 1794, il lance son journal, Le journal de la liberté de la presse, qui devient par la suite Le Tribun du peuple, ou le Défenseur des droits de l’homme. Opposé à Robespierre dont il condamne le despotisme au moment de la Terreur, il l’avait rejoint un temps puisque comme l’Incorruptible, le concept d’égalité était partie intégrante de sa propre idéologie. Ce sont ces grandes lignes que Topino-Lebrun esquisse dans ce portrait. Il présente la figure et son dogme, le regard porté non pas vers son auditoire, mais plongé dans ses réflexions internes qui le tiennent en perpétuelle émulation. De son passé modeste, il conserve des cheveux coupés courts, une carrure imposante et une musculature puissante que ne dissimule ni la toge à l’antique, ni la tenue simple de l’homme du peuple qu’il incarne. Le Tribun du peuple est représenté comme l’individu qu’il est et le message qu’il porte. Il ne s’agit pas d’un portrait d’apparat, d’un portrait mondain mais bien d’un manifeste politique. Si Topino-Lebrun parvient si bien à rendre l’essence même de son modèle, c’est parce que lui-même fut un babouviste convaincu, conviction pour laquelle il est guillotiné en 1801. Élève de David (1748 - 1825), il fut l’un de ses émules les plus engagés politiquement. S’il n’a pas eu le temps d’avoir une carrière importante, notre portrait trouve un écho particulier avec ce que l’on considère être aujourd’hui son chef d’œuvre, La Mort de Caïus Gracchus (Fig 1 ; Marseille, musée des Beaux-Arts), exposé au Salon de 1798. A la suite de son maître, il prône en politique comme en peinture, un retour à la grandeur antique, à la vertu républicaine. La leçon néoclassique a été apprise et assimilée : composition en frise, importance du dessin et de la ligne, coloris froid, choix d’un épisode de l’histoire antique chargé en intensité dramatique. Peintre de l’un de ceux dont Babeuf se revendique, Topino-Lebrun rend hommage à l’homme qui l’a convaincu, qu’il a admiré et vu mourir au moment de la « Conjuration des Égaux ». Las de constater que le pouvoir ne défend plus les idéaux de la Révolution, Babeuf décide en 1796 de renverser le gouvernement. Avec ses camarades, ils sont dénoncés. Lui, Gracchus, né François Noël, est emprisonné et condamné à mort. À la veille de son exécution le 27 mai 1797, il écrit : « Les amis, j’espère que vous vous souviendrez tous de moi et que vous en parlerez souvent. J’espère que vous croirez que je vous ai tous beaucoup aimés. Je ne concevais pas d’autre manière de vous rendre heureux que par le bonheur commun. J’ai échoué : je me suis sacrifié; c’est aussi pour vous que je meurs.. »

1. Gracchus Babeuf, Gracchus Babeuf, tribun du peuple, à ses concitoyens, Paris, Imprimerie de Franklin, 1796, p. 5. [https://gallica.bnf.fr/ ark:/12148/bpt6k84733g/f5.item]

2. Patrice Bret, « Fonder la République par

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28 Jun 2022
France, Paris
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ATTRIBUÉ À FRANÇOIS TOPINO-LEBRUN MARSEILLE, 1764 - 1801, PARIS

Le Tribun du Peuple ou Portrait présumé de Gracchus Babeuf (1760-1797)

Huile sur toile marouflée sur panneau

144,4 x 109,8 cm

L’homme s’est avancé à la tribune, il est campé devant son auditoire. D’une main, il tient un discours serré contre sa poitrine tandis que de l’autre, son poing est fermement posé vers l’avant. Créant ainsi un lien entre les plans du tableau, le peintre fait de nous les audi - teurs de la parole à venir. 1 Sous une apparente économie de symboles, le portrait affirme dans le même temps sa vocation de manifeste politique. L’habit bleu nuit, associé au blanc immaculé de la chemise et au rouge vif de la toge font de la tenue un instrument de pouvoir, un « appareillage symbolique » selon l’expression d’Erving Goffman, très justement reprise par Patrice Bret 2 à propos du Portrait de Jean-Baptiste Desmolin (1751 - 1843) (Fig. 1). Dans les traits du modèle de Topino-Lebrun, c’est le visage épais à la mâchoire puissante de Gracchus Babeuf que l’on reconnaît. Figure révolutionnaire emblématique, il est un homme issu d’une lignée modeste. Entré comme terrassier à l’âge de douze ans au canal de Picardie, il se fait engager comme apprenti d’un notaire feudiste à dix-sept ans, avant de devenir géomètre. Lecteur de Rousseau (1712 - 1778), Diderot (1713 - 1784), l’abbé Mably (1709 - 1785), il se forge une idéologie empreinte du Siècle des Lumières. Très vite, il se fait défenseur du peuple pauvre contre une minorité détenant la majorité des richesses. Il réclame une répartition égale de la propriété et par-là, préfigure le communisme que théorisera Karl Marx (1818 - 1883) notamment. S’il s’appelait François Noël, Babeuf prend le nom de Gracchus, référence aux deux frères Gracques qui, au II e siècle av. J.-C., avaient tenté de réformer le système social romain. Avec leurs partisans, ils furent massacrés au cours des émeutes que leurs projets de réformes avaient provoquées. Véritablement, Babeuf se rattache à l’histoire antique et s’inscrit dans une lignée prestigieuse, encline à légitimer sa démarche politique. Le 3 septembre 1794, il lance son journal, Le journal de la liberté de la presse, qui devient par la suite Le Tribun du peuple, ou le Défenseur des droits de l’homme. Opposé à Robespierre dont il condamne le despotisme au moment de la Terreur, il l’avait rejoint un temps puisque comme l’Incorruptible, le concept d’égalité était partie intégrante de sa propre idéologie. Ce sont ces grandes lignes que Topino-Lebrun esquisse dans ce portrait. Il présente la figure et son dogme, le regard porté non pas vers son auditoire, mais plongé dans ses réflexions internes qui le tiennent en perpétuelle émulation. De son passé modeste, il conserve des cheveux coupés courts, une carrure imposante et une musculature puissante que ne dissimule ni la toge à l’antique, ni la tenue simple de l’homme du peuple qu’il incarne. Le Tribun du peuple est représenté comme l’individu qu’il est et le message qu’il porte. Il ne s’agit pas d’un portrait d’apparat, d’un portrait mondain mais bien d’un manifeste politique. Si Topino-Lebrun parvient si bien à rendre l’essence même de son modèle, c’est parce que lui-même fut un babouviste convaincu, conviction pour laquelle il est guillotiné en 1801. Élève de David (1748 - 1825), il fut l’un de ses émules les plus engagés politiquement. S’il n’a pas eu le temps d’avoir une carrière importante, notre portrait trouve un écho particulier avec ce que l’on considère être aujourd’hui son chef d’œuvre, La Mort de Caïus Gracchus (Fig 1 ; Marseille, musée des Beaux-Arts), exposé au Salon de 1798. A la suite de son maître, il prône en politique comme en peinture, un retour à la grandeur antique, à la vertu républicaine. La leçon néoclassique a été apprise et assimilée : composition en frise, importance du dessin et de la ligne, coloris froid, choix d’un épisode de l’histoire antique chargé en intensité dramatique. Peintre de l’un de ceux dont Babeuf se revendique, Topino-Lebrun rend hommage à l’homme qui l’a convaincu, qu’il a admiré et vu mourir au moment de la « Conjuration des Égaux ». Las de constater que le pouvoir ne défend plus les idéaux de la Révolution, Babeuf décide en 1796 de renverser le gouvernement. Avec ses camarades, ils sont dénoncés. Lui, Gracchus, né François Noël, est emprisonné et condamné à mort. À la veille de son exécution le 27 mai 1797, il écrit : « Les amis, j’espère que vous vous souviendrez tous de moi et que vous en parlerez souvent. J’espère que vous croirez que je vous ai tous beaucoup aimés. Je ne concevais pas d’autre manière de vous rendre heureux que par le bonheur commun. J’ai échoué : je me suis sacrifié; c’est aussi pour vous que je meurs.. »

1. Gracchus Babeuf, Gracchus Babeuf, tribun du peuple, à ses concitoyens, Paris, Imprimerie de Franklin, 1796, p. 5. [https://gallica.bnf.fr/ ark:/12148/bpt6k84733g/f5.item]

2. Patrice Bret, « Fonder la République par

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28 Jun 2022
France, Paris
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