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August Macke (1887-1914), Badende Frauen (recto); Pierrot mit Tänzerpaar (verso)

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August Macke (1887-1914)
Badende Frauen (recto); Pierrot mit Tänzerpaar (verso)
huile sur toile
102 x 72.5 cm. (40 1/8 x 28 3/8 in.)
Peint à Bonn en 1913

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‘BADENDE FRAUEN (RECTO); PIERROT MIT TÄNZERPAAR (VERSO)’; OIL ON CANVAS; PAINTED IN BONN IN 1913.
奧古斯特·馬克(1887-1914)-《沐浴的女人》(正面);《小丑》(背面),油彩、畫布,1913年作
En 1913, Macke écrit: «Le plus important pour moi, c'est l'observation directe de la nature dans toute sa luminosité […]. Ce que j'aime le plus, c'est contempler le mouvement des couleurs. Il n'y a qu'ainsi que j'ai pu déceler les lois de tous ces contrastes de couleurs, complémentaires et simultanés, qui rythment et nourrissent ma vision. C'est là que je puise l'essence même de mon art, une essence qui ne trouve sa source ni dans un système hypothétique, ni dans une quelconque théorie » (cité in G. Vriesen, op. cit., p. 120; traduit de l'allemand).
Œuvre emblématique d’August Macke peinte sur les deux faces d'une même toile, Badende Frauen et Pierrot mit Tänzerpaar réunit deux styles et deux sujets très distincts. Réalisées en 1913 – peu de temps avant la mort du maître rhénan en 1914 –, ces deux compositions incarnent parfaitement la convergence des grands mouvements d'avant-garde de la peinture européenne. Majestueux tant par ses dimensions que par sa richesse chromatique et iconographique, ce chef-d’œuvre traduit notamment la vive émulation qui existe entre les peintres allemands – parmi lesquels Macke - et la scène artistique parisienne au début du XXe siècle.
Conçue au sommet de la courte carrière du peintre, la présente œuvre constitue un parfait exemple de ses recherches picturales et de sa technique novatrice. Si Macke ne s'immiscera jamais complètement dans l'abstraction, l'année 1913 voit la naissance de certaines de ses œuvres les plus audacieuses – parmi lesquelles ces deux tableaux, qui témoignent d'une exploration radicale et prédominante de la couleur et de la forme. Avec Badende Frauen, le peintre aborde notamment le thème des baigneuses, sujet ô combien traditionnel qu'il revisite ici en découpant ses personnages et le paysage environnant en plans de couleurs pures aux contours géométriques.
Si cette œuvre – que Macke peint alors qu'il n'a que vingt-six ans – révèle une grande maturité artistique, elle évoque aussi le lien privilégié que l'artiste entretient alors avec le Blaue Reiter, et en particulier l’un des membres fondateurs du mouvement, son ami peintre Franz Marc.
La rencontre entre Macke et Marc en 1910 s'avère déterminante pour les deux artistes, lesquels s'imprègnent dès lors mutuellement de l'univers de l'autre, jusqu'à leurs décès prématurés, en 1914 et 1916 respectivement.
Maria Franck, l'épouse de Franz Marc, déclare d'ailleurs: «Enfin, de l’aide nous est venue de l’extérieur. Il a fait la connaissance du jeune peintre August Macke, qui parle avec enthousiasme de Paris car sa peinture a été inspirée par les jeunes peintres parisiens. Le caractère exubérant de Macke lui a paru rafraîchissant et ses images jeunes et lumineuses l’ont enchanté. Ils se sont vite liés d’amitié et ont été rejoints par un jeune cousin, Helmuth Macke. Ce fut dans la vie de Franz Marc le départ d’une nouvelle étape qui marque le véritable début de ses années créatrices» (M. Franck cité in Franz Marc/August Macke: L’aventure du Cavalier bleu, cat. exp., Paris, 2018, p. 28). Marc introduira par ailleurs Macke, son cadet de sept ans, dans le milieu du Neue Künstler Vereinigung de Munich, groupe formé par les peintres Vassily Kandinsky, Alexej von Jawlensky et Gabriele Münter, lesquels fonderont bientôt le Blaue Reiter, en 1911, jugeant les propos du groupe munichois trop rigides et trop conventionnels.
Le Blaue Reiter devient donc le berceau d’un renouveau artistique, incitant les artistes à la créativité et à la polyvalence afin d'instiller de nouveaux dialogues et de nouvelles perspectives. Ces ambitions seront clairement énoncées dans les fascicules illustrés de L’Almanach du Blaue Reiter, conçu en mai 1912 par Kandinsky et Marc, et édité par Reinhard Piper à Munich. Macke y signe un article, «Les Masques», dans lequel il se penche sur le rôle fondamental de la forme, et le rapport entre l’art et la nature, évoquant notamment les liens entre les formes de l’art européen et celles des cultures orientales.
Macke sera l'un des premiers membres du Blaue Reiter à reconnaître, en outre, l'importance majeure de l'impressionnisme et du post-impressionisme, et à adapter les théories de l'avant-garde française à son propre langage artistique. S'il séjourne à Paris pour la première fois en 1907, ce n'est qu'en 1909 qu'il découvre les œuvres des Fauves, dont les couleurs flamboyantes marqueront durablement son œuvre. L'impact le plus immédiat et le plus profond sur son œuvre proviendra, toutefois, de Robert Delaunay, que Macke rencontre lors de son dernier voyage à Paris en 1912.
Lorsque Macke et Marc se rendent à Paris en septembre-octobre 1912, Macke a déjà trois séjours parisiens à son actif, lors desquels il a été bouleversé par la lumière des impressionnistes. Cette fois, les deux peintres allemands poussent la porte des ateliers de Robert Delaunay et d’Henri Le Fauconnier; ils y découvrent entre autres Les Fenêtres de Delaunay – série qu’ils auront l'occasion de revoir à Berlin lors d'une exposition monographique du Français à la Galerie Der Sturm, en 1913.
L'orphisme, cette technique innovante de Delaunay selon laquelle les aplats de couleurs et non les objets, constituent les fondements de la peinture, devient bientôt le précepte de base de l'art de Macke. Les vastes étendues de couleurs aux lignes géométriques qui structurent Badende Frauen renvoient notamment à la technique de La Ville de Paris, toile que Delaunay réalise en 1912.
Si Delaunay se réapproprie le nu féminin, sujet très classique et très en vogue depuis la Renaissance, en décomposant sa peinture à la manière d’une mosaïque, Macke adopte une approche comparable dans Badende Frauen. Le nu constitue aussi l'un des thèmes de prédilection de certains de ses compatriotes allemands, membres du mouvement Die Brücke fondé en 1905: Heckel, Pechstein ou encore Kirchner, qui perçoivent ce retour à l’antiquité et à la nature comme une façon d’échapper à l’industrialisation du début du XXe siècle et au chaos de la guerre imminente. Du reste, le format recto/verso de la présente toile rappelle les nombreuses œuvres double-face produites par ces artistes du Brücke, qui travaillent pour la plupart avec très peu de moyens.
L'œuvre de Macke n’est pas sans rappeler, de surcroît, les baigneuses de Paul Cézanne. L’impact du maître aixois sur Macke ne passera guère inaperçu auprès de Franz Marc. Peu après leur rencontre en janvier 1910, Marc écrit au sujet de son nouvel ami, du cousin de ce dernier - Helmuth Macke - et du fils du collectionneur Bernhard Koehler: «Ces trois messieurs sont peintres et Cézanne est leur dieu» (cité in op. cit., p. 37). Il n’est pas surprenant qu’un artiste tel que Macke, qui cherchait par tous les moyens plastiques à placer la forme au cœur de son œuvre tout en restant fidèle à la réalité, se soit tourné vers Cézanne. Un dialogue avec l'art moderne français que Macke pousse plus loin encore dans Badende Frauen, dont la baigneuse centrale, presque sculpturale, semble lorgner vers les nus d'Aristide Maillol (1861-1944) – rien d'étonnant lorsque l'on sait qu'à partir de 1908, Marc et Macke ont réalisé plusieurs dessins d’après des œuvres du sculpteur français.
Dans la présente toile, le contraste entre le recto, Badende Frauen, et le verso, Pierrot mit Tänzerpaar, est frappant tant par sa palette, son style et son exécution que par son sujet. Si une certaine harmonie de couleurs et de formes domine le recto, c’est la diversité des pigments et le vocabulaire stylistique hautement éclectique qui priment au verso. Ici, les nuances vives, presque fauves, rappellent notamment la palette et les aplats de couleurs de Kandinsky, tandis que les expressions des visages, très prononcées et mélodramatiques, évoquent non seulement les portraits de Die Brücke mais aussi l’art statuaire issu des quatre coins du monde. Avec son dynamisme teinté de lyrisme, Badende Frauen renvoie également aux artistes futuristes qui feront fureur à Karlsruhe en 1913 – année de création du présent tableau - lors de leur première exposition en Allemagne. Tandis que la baigneuse centrale de Badende Frauen semble figée dans le temps, comme enveloppée par la sérénité de la nature, le Pierrot et le couple dansant de Pierrot mit Tänzerpaar sont représentés en pleine action. Ici, les personnages sont manifestement tirés de la Commedia dell’arte, le fameux théâtre de la Renaissance italienne qui inspirera tant d'écrits et de tableaux au fil des siècles. Macke représente Pierrot levant les bras au ciel en signe de désarroi face à sa défaite contre Arlequin, très probablement représenté par le personnage masqué vêtu de collants orange qui danse fougueusement avec sa nouvelle conquête amoureuse, Colombine, au centre du tableau. Macke, qui découvre les Ballets Russes à Cologne en 1912, notamment à l'occasion d'une représentation du Carnaval (musique de Robert Schumann) de Diaghilev, abordera en effet le sujet de Pierrot dans quatre tableaux différents (dont Pierrot mit Tänzerpaar , un autre Pierrot de 1913 (Stadt-Kunsthaus, Bielefeld) ou encore Ballets Russes I (Kunsthalle, Brême). Il y revient aussi dans une sculpture en bois et dans plus de quarante œuvres sur papier. Une passion pour la danse et la scène qui remonte sans doute à ses années d'études à Düsseldorf, où il avait produit quelques décors de théâtre. Le sujet de Pierrot mit Tänzerpaar est aussi prétexte à illustrer les rares moments d’insouciance d’un peuple de plus en plus meurtri par une modernisation déroutante et la menace de l’instabilité politique, à la veille des évènements tragiques qui vont se succéder quelques mois plus tard, avec la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France en août 1914...

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10 Dec 2019
France, Paris
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August Macke (1887-1914)
Badende Frauen (recto); Pierrot mit Tänzerpaar (verso)
huile sur toile
102 x 72.5 cm. (40 1/8 x 28 3/8 in.)
Peint à Bonn en 1913

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‘BADENDE FRAUEN (RECTO); PIERROT MIT TÄNZERPAAR (VERSO)’; OIL ON CANVAS; PAINTED IN BONN IN 1913.
奧古斯特·馬克(1887-1914)-《沐浴的女人》(正面);《小丑》(背面),油彩、畫布,1913年作
En 1913, Macke écrit: «Le plus important pour moi, c'est l'observation directe de la nature dans toute sa luminosité […]. Ce que j'aime le plus, c'est contempler le mouvement des couleurs. Il n'y a qu'ainsi que j'ai pu déceler les lois de tous ces contrastes de couleurs, complémentaires et simultanés, qui rythment et nourrissent ma vision. C'est là que je puise l'essence même de mon art, une essence qui ne trouve sa source ni dans un système hypothétique, ni dans une quelconque théorie » (cité in G. Vriesen, op. cit., p. 120; traduit de l'allemand).
Œuvre emblématique d’August Macke peinte sur les deux faces d'une même toile, Badende Frauen et Pierrot mit Tänzerpaar réunit deux styles et deux sujets très distincts. Réalisées en 1913 – peu de temps avant la mort du maître rhénan en 1914 –, ces deux compositions incarnent parfaitement la convergence des grands mouvements d'avant-garde de la peinture européenne. Majestueux tant par ses dimensions que par sa richesse chromatique et iconographique, ce chef-d’œuvre traduit notamment la vive émulation qui existe entre les peintres allemands – parmi lesquels Macke - et la scène artistique parisienne au début du XXe siècle.
Conçue au sommet de la courte carrière du peintre, la présente œuvre constitue un parfait exemple de ses recherches picturales et de sa technique novatrice. Si Macke ne s'immiscera jamais complètement dans l'abstraction, l'année 1913 voit la naissance de certaines de ses œuvres les plus audacieuses – parmi lesquelles ces deux tableaux, qui témoignent d'une exploration radicale et prédominante de la couleur et de la forme. Avec Badende Frauen, le peintre aborde notamment le thème des baigneuses, sujet ô combien traditionnel qu'il revisite ici en découpant ses personnages et le paysage environnant en plans de couleurs pures aux contours géométriques.
Si cette œuvre – que Macke peint alors qu'il n'a que vingt-six ans – révèle une grande maturité artistique, elle évoque aussi le lien privilégié que l'artiste entretient alors avec le Blaue Reiter, et en particulier l’un des membres fondateurs du mouvement, son ami peintre Franz Marc.
La rencontre entre Macke et Marc en 1910 s'avère déterminante pour les deux artistes, lesquels s'imprègnent dès lors mutuellement de l'univers de l'autre, jusqu'à leurs décès prématurés, en 1914 et 1916 respectivement.
Maria Franck, l'épouse de Franz Marc, déclare d'ailleurs: «Enfin, de l’aide nous est venue de l’extérieur. Il a fait la connaissance du jeune peintre August Macke, qui parle avec enthousiasme de Paris car sa peinture a été inspirée par les jeunes peintres parisiens. Le caractère exubérant de Macke lui a paru rafraîchissant et ses images jeunes et lumineuses l’ont enchanté. Ils se sont vite liés d’amitié et ont été rejoints par un jeune cousin, Helmuth Macke. Ce fut dans la vie de Franz Marc le départ d’une nouvelle étape qui marque le véritable début de ses années créatrices» (M. Franck cité in Franz Marc/August Macke: L’aventure du Cavalier bleu, cat. exp., Paris, 2018, p. 28). Marc introduira par ailleurs Macke, son cadet de sept ans, dans le milieu du Neue Künstler Vereinigung de Munich, groupe formé par les peintres Vassily Kandinsky, Alexej von Jawlensky et Gabriele Münter, lesquels fonderont bientôt le Blaue Reiter, en 1911, jugeant les propos du groupe munichois trop rigides et trop conventionnels.
Le Blaue Reiter devient donc le berceau d’un renouveau artistique, incitant les artistes à la créativité et à la polyvalence afin d'instiller de nouveaux dialogues et de nouvelles perspectives. Ces ambitions seront clairement énoncées dans les fascicules illustrés de L’Almanach du Blaue Reiter, conçu en mai 1912 par Kandinsky et Marc, et édité par Reinhard Piper à Munich. Macke y signe un article, «Les Masques», dans lequel il se penche sur le rôle fondamental de la forme, et le rapport entre l’art et la nature, évoquant notamment les liens entre les formes de l’art européen et celles des cultures orientales.
Macke sera l'un des premiers membres du Blaue Reiter à reconnaître, en outre, l'importance majeure de l'impressionnisme et du post-impressionisme, et à adapter les théories de l'avant-garde française à son propre langage artistique. S'il séjourne à Paris pour la première fois en 1907, ce n'est qu'en 1909 qu'il découvre les œuvres des Fauves, dont les couleurs flamboyantes marqueront durablement son œuvre. L'impact le plus immédiat et le plus profond sur son œuvre proviendra, toutefois, de Robert Delaunay, que Macke rencontre lors de son dernier voyage à Paris en 1912.
Lorsque Macke et Marc se rendent à Paris en septembre-octobre 1912, Macke a déjà trois séjours parisiens à son actif, lors desquels il a été bouleversé par la lumière des impressionnistes. Cette fois, les deux peintres allemands poussent la porte des ateliers de Robert Delaunay et d’Henri Le Fauconnier; ils y découvrent entre autres Les Fenêtres de Delaunay – série qu’ils auront l'occasion de revoir à Berlin lors d'une exposition monographique du Français à la Galerie Der Sturm, en 1913.
L'orphisme, cette technique innovante de Delaunay selon laquelle les aplats de couleurs et non les objets, constituent les fondements de la peinture, devient bientôt le précepte de base de l'art de Macke. Les vastes étendues de couleurs aux lignes géométriques qui structurent Badende Frauen renvoient notamment à la technique de La Ville de Paris, toile que Delaunay réalise en 1912.
Si Delaunay se réapproprie le nu féminin, sujet très classique et très en vogue depuis la Renaissance, en décomposant sa peinture à la manière d’une mosaïque, Macke adopte une approche comparable dans Badende Frauen. Le nu constitue aussi l'un des thèmes de prédilection de certains de ses compatriotes allemands, membres du mouvement Die Brücke fondé en 1905: Heckel, Pechstein ou encore Kirchner, qui perçoivent ce retour à l’antiquité et à la nature comme une façon d’échapper à l’industrialisation du début du XXe siècle et au chaos de la guerre imminente. Du reste, le format recto/verso de la présente toile rappelle les nombreuses œuvres double-face produites par ces artistes du Brücke, qui travaillent pour la plupart avec très peu de moyens.
L'œuvre de Macke n’est pas sans rappeler, de surcroît, les baigneuses de Paul Cézanne. L’impact du maître aixois sur Macke ne passera guère inaperçu auprès de Franz Marc. Peu après leur rencontre en janvier 1910, Marc écrit au sujet de son nouvel ami, du cousin de ce dernier - Helmuth Macke - et du fils du collectionneur Bernhard Koehler: «Ces trois messieurs sont peintres et Cézanne est leur dieu» (cité in op. cit., p. 37). Il n’est pas surprenant qu’un artiste tel que Macke, qui cherchait par tous les moyens plastiques à placer la forme au cœur de son œuvre tout en restant fidèle à la réalité, se soit tourné vers Cézanne. Un dialogue avec l'art moderne français que Macke pousse plus loin encore dans Badende Frauen, dont la baigneuse centrale, presque sculpturale, semble lorgner vers les nus d'Aristide Maillol (1861-1944) – rien d'étonnant lorsque l'on sait qu'à partir de 1908, Marc et Macke ont réalisé plusieurs dessins d’après des œuvres du sculpteur français.
Dans la présente toile, le contraste entre le recto, Badende Frauen, et le verso, Pierrot mit Tänzerpaar, est frappant tant par sa palette, son style et son exécution que par son sujet. Si une certaine harmonie de couleurs et de formes domine le recto, c’est la diversité des pigments et le vocabulaire stylistique hautement éclectique qui priment au verso. Ici, les nuances vives, presque fauves, rappellent notamment la palette et les aplats de couleurs de Kandinsky, tandis que les expressions des visages, très prononcées et mélodramatiques, évoquent non seulement les portraits de Die Brücke mais aussi l’art statuaire issu des quatre coins du monde. Avec son dynamisme teinté de lyrisme, Badende Frauen renvoie également aux artistes futuristes qui feront fureur à Karlsruhe en 1913 – année de création du présent tableau - lors de leur première exposition en Allemagne. Tandis que la baigneuse centrale de Badende Frauen semble figée dans le temps, comme enveloppée par la sérénité de la nature, le Pierrot et le couple dansant de Pierrot mit Tänzerpaar sont représentés en pleine action. Ici, les personnages sont manifestement tirés de la Commedia dell’arte, le fameux théâtre de la Renaissance italienne qui inspirera tant d'écrits et de tableaux au fil des siècles. Macke représente Pierrot levant les bras au ciel en signe de désarroi face à sa défaite contre Arlequin, très probablement représenté par le personnage masqué vêtu de collants orange qui danse fougueusement avec sa nouvelle conquête amoureuse, Colombine, au centre du tableau. Macke, qui découvre les Ballets Russes à Cologne en 1912, notamment à l'occasion d'une représentation du Carnaval (musique de Robert Schumann) de Diaghilev, abordera en effet le sujet de Pierrot dans quatre tableaux différents (dont Pierrot mit Tänzerpaar , un autre Pierrot de 1913 (Stadt-Kunsthaus, Bielefeld) ou encore Ballets Russes I (Kunsthalle, Brême). Il y revient aussi dans une sculpture en bois et dans plus de quarante œuvres sur papier. Une passion pour la danse et la scène qui remonte sans doute à ses années d'études à Düsseldorf, où il avait produit quelques décors de théâtre. Le sujet de Pierrot mit Tänzerpaar est aussi prétexte à illustrer les rares moments d’insouciance d’un peuple de plus en plus meurtri par une modernisation déroutante et la menace de l’instabilité politique, à la veille des évènements tragiques qui vont se succéder quelques mois plus tard, avec la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France en août 1914...

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France, Paris
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