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BARNEY NATALIE CLIFFORD (1876-1972)

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« l’Amazone », femme de lettres américano-française. 28 L.A.S. « Natalie Clifford Barney », 1901-1916, à Pierre LOUŸS ; environ 75 pages formats divers, la plupart in-8 ou in-12 (une écrite en marge d’une coupure de presse), 2 à son chiffre, quelques en-têtes (Hôtel Regina, Hôtel d’Albe, Hôtel La Pérouse, ou à ses adresses), 24 enveloppes ; en français (trois avec quelques lignes en anglais).
Très belle correspondance de la grande figure de l’amour saphique à l’auteur des Chansons de Bilitis. Natalie Clifford Barney (1876-1972), surnommée « l’Amazone » par Remy de Gourmont, arriva adolescente à Paris avec sa mère Alice, peintre et écrivain. À la mort de son père, elle hérita d’une grande fortune qui lui permit de jouer un rôle important dans le Paris de la Belle Époque. Ouvertement lesbienne et d’une grande indépendance d’esprit, d’une très grande beauté, elle attira à elle nombre de femmes, avec qui elle eut des liaisons : la poétesse Renée Vivien, dont le souvenir vivace se lit dans ces lettres, Lucie Delarue-Mardrus, Élisabeth de Clermont-Tonnerre, Romaine Brooks, entre autres. Elle écrivit des poésies, des mémoires et des pensées, et souhaita faire de sa vie une véritable œuvre d’art. Sa maison devint un salon littéraire influent où se croisaient des personnalités venues des deux côtés de l’Atlantique : Rodin, Rilke, Joyce, Robert de Montesquiou, Gertrude Stein, Isadora Duncan, Ezra Pound, Colette, Cocteau, André Gide, Marie Laurencin, Sylvia Beach, Truman Capote, Marguerite Yourcenar, et bien d’autres. La jeune femme sollicite les conseils littéraires de Pierre Louÿs, qu’elle considère comme un maître, notamment pour la publication de ses Cinq petits dialogues grecs en 1902, et elle se confie à lui, évoquant sa passion pour Liane de Pougy puis son attachement pour Pauline Tarn, Renée Vivien en littérature. Après avoir fait paraître Quelques Portraits, Sonnets de femmes, recueil de poèmes illustré par des dessins de sa mère, Natalie Clifford Barney voulut faire publier le récit de ses amours avec Liane de Pougy, celle-ci ayant fait paraître Idylle saphique (1901), inspirée par cette liaison. Le livre de Clifford Barney fut publié à titre privé en 1904 puis en librairie sous le titre Je me souviens, en 1910. La jeune femme fait part à Louÿs de sa colère face aux hésitations de l’éditeur Ollendorff et aux pudibonderies du sénateur René Bérenger, une des têtes de turc de Louÿs : « Ollendorff qui me publie une brochure de sonnets insignifiants – faits pour plaire à mes parents – refuse de me prendre un livre sérieux parce qu’il s’agit d’amour saphique d’un bout à l’autre [...] Je méprise instinctivement et profondément Monsieur Bérenger et ses semblables, et veux faire éditer mon livre quand même et tout de suite [...] Je dois retourner dans mon pays à la fin du mois prochain et veux laisser ma bombe de destruction derrière moi... Sérieusement mon livre n’est pas méchant, et s’il s’agit de deux amoureuses, ce n’est nullement de ma faute; on n’en a jamais voulu aux albinos d’avoir les yeux roses pourquoi m’en voudrait-on d’être lesbienne ? C’est simplement une affaire de nature »... Elle confie à Louÿs le manuscrit de ce roman, lui demandant ce qu’il en pense et sollicitant quelques lignes de préface, moyennant rétribution : « j’ai l’esprit des affaires grâce peut-être à un ancêtre juif qui reparaît en ce moment pour nous offenser tous les deux mais qu’il ne faut pas offenser par un refus [...] Si le sans-gêne trop américain de cette idée vous – comment dire ? ou si pour des raisons de famille vous ne pouvez pas – ou vous ne voulez pas être associé à mon livre je serais la première à comprendre qu’on respecte les devoirs dont moi-même je m’acquitte si mal. [...] Je suis un petit apprenti bien fade et très femme, niais peut-être par cela même je saurais aider à soutenir cette culte de la forme que vous enseignez si bien à un âge qui a désappris les lois de la beauté, les seules que j’estime salutaires »... La famille Barney, appréciant peu le scandale provoqué par son homosexualité affichée, rappelle Natalie en Amérique, mais avant son départ, la jeune femme évoque une proposition de l’éditeur Kistemaeckers, désireuse qu’elle est de se débarrasser du souvenir de son ancienne maîtresse : « Je veux partir “heart whole and fancy free”, quitte envers ce petit monstre... et je la croyais si naïve, ce qui prouve l’innocence de ma perversité »... De Washington, en novembre 1901, elle écrit dans la marge d’un article de journal consacré à une exposition de tableaux de sa mère, Alice Pike Barney, évoquant une rencontre avec Alfred DOUGLAS, célèbre pour sa liaison avec Oscar Wilde, ainsi qu’avec Jeanne de Margerie, « sœur du glorieux et très insipide Rostand ». Plaignez-moi d’être exilée parmi les pins austères de ma terre natale, absorbée ainsi dans les banalités qui m’entourent et me protègent de vivre, et de m’épanouir – et d’être entièrement [...] Je ne pourrais même pas vous écrire si je n’avais pas été réchauffée par Une volupté nouvelle où je fus rappelée à toutes les charmes de la langue que j’aime... Puis de trouver là le nom de celle que j’ai tant désirée et possédée et regrettée m’a fait rêver. Dans cet environnement, Natalie peine à reprendre le roman sur ses amours, comme le lui a conseillé Louÿs : « Sérieusement je n’ai pas d’art, je n’ai que des élans et pour cela je ne puis rien faire de sang froid [...] Vous êtes un maître incomparable, vos arcs-en-ciel restent sur le papier. Vos voluptés ressussitent chaque fois qu’on les lit, elles sont fixées éternellement jeunes et belles. [...] Vous faites des livres de joie et Bilitis m’a donné des extases plus éperdues et des tendresses plus tendres que n’importe quelle autre maîtresse. Si j’ai voulu faire des livres c’était pour lui répondre, je voudrais être une des voix que ses paroles ont éveillées, et dire au monde vieux et sourd à force de mensonges, aveugle à force de laideurs que déjà des jeunes filles de la société future qui apprécient ce que vous avez fait pour elles »... Préparant la sortie de ses Cinq Petits Dialogues grecs (sous le pseudonyme de Tryphê), Natalie demande à Louis de l’aider à corriger les épreuves de ce livre qu’elle lui a dédié, et lui confie ses peines de cœur (22 janvier 1902) : « Elle [Renée VIVIEN] ne m’aime plus la méchante, et je reste triste sans cesse, et sans cesse désolée »... Elle se propose de tirer du recueil Sanguines de Louÿs une idylle pour l’une des représentations dansées qu’elle organise chez elle. [Dialogue au soleil couchant fut donné lors d’une soirée de l’été 1905 ; Colette en fut l’interprète principale]. Elle demande à Louÿs d’amener Claude Debussy ; elle invite Philippe Berthelot, Porto-Riche et Anatole France ; Paul Valéry, « souffrant ne quitte pas son feu où il se sent avoir cent ans »... Lady Westmacott et Madame Vanderbilt désirent rencontrer Pierre Louÿs chez elle… En juin 1916, elle fait l’éloge de Poétique, paru au Mercure de France : « Quelle belle chose de vous |...] et que cette prosodie nous repose »... Etc. On connaît six autres lettres de Natalie Barney à Pierre Louÿs, conservées à l’University of Texas à Austin (Baudelaire to Beckett, Austin 1976, n° 300). Une dizaine de lettres de Louÿs à Natalie Barney se trouvent à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet avec trois lettres reçues par Louÿs de l’Amazone, agressives et sévères, que Louÿs lui avait retournées afin qu’elle les déchire elle-même (Autour de Natalie Clifford Barney, 1976, p. 49-51). provenance Catalogue Pierre Louÿs (Librairie Jean-Claude Vrain, 2009, n° 478)

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18 Nov 2019
France, Paris
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« l’Amazone », femme de lettres américano-française. 28 L.A.S. « Natalie Clifford Barney », 1901-1916, à Pierre LOUŸS ; environ 75 pages formats divers, la plupart in-8 ou in-12 (une écrite en marge d’une coupure de presse), 2 à son chiffre, quelques en-têtes (Hôtel Regina, Hôtel d’Albe, Hôtel La Pérouse, ou à ses adresses), 24 enveloppes ; en français (trois avec quelques lignes en anglais).
Très belle correspondance de la grande figure de l’amour saphique à l’auteur des Chansons de Bilitis. Natalie Clifford Barney (1876-1972), surnommée « l’Amazone » par Remy de Gourmont, arriva adolescente à Paris avec sa mère Alice, peintre et écrivain. À la mort de son père, elle hérita d’une grande fortune qui lui permit de jouer un rôle important dans le Paris de la Belle Époque. Ouvertement lesbienne et d’une grande indépendance d’esprit, d’une très grande beauté, elle attira à elle nombre de femmes, avec qui elle eut des liaisons : la poétesse Renée Vivien, dont le souvenir vivace se lit dans ces lettres, Lucie Delarue-Mardrus, Élisabeth de Clermont-Tonnerre, Romaine Brooks, entre autres. Elle écrivit des poésies, des mémoires et des pensées, et souhaita faire de sa vie une véritable œuvre d’art. Sa maison devint un salon littéraire influent où se croisaient des personnalités venues des deux côtés de l’Atlantique : Rodin, Rilke, Joyce, Robert de Montesquiou, Gertrude Stein, Isadora Duncan, Ezra Pound, Colette, Cocteau, André Gide, Marie Laurencin, Sylvia Beach, Truman Capote, Marguerite Yourcenar, et bien d’autres. La jeune femme sollicite les conseils littéraires de Pierre Louÿs, qu’elle considère comme un maître, notamment pour la publication de ses Cinq petits dialogues grecs en 1902, et elle se confie à lui, évoquant sa passion pour Liane de Pougy puis son attachement pour Pauline Tarn, Renée Vivien en littérature. Après avoir fait paraître Quelques Portraits, Sonnets de femmes, recueil de poèmes illustré par des dessins de sa mère, Natalie Clifford Barney voulut faire publier le récit de ses amours avec Liane de Pougy, celle-ci ayant fait paraître Idylle saphique (1901), inspirée par cette liaison. Le livre de Clifford Barney fut publié à titre privé en 1904 puis en librairie sous le titre Je me souviens, en 1910. La jeune femme fait part à Louÿs de sa colère face aux hésitations de l’éditeur Ollendorff et aux pudibonderies du sénateur René Bérenger, une des têtes de turc de Louÿs : « Ollendorff qui me publie une brochure de sonnets insignifiants – faits pour plaire à mes parents – refuse de me prendre un livre sérieux parce qu’il s’agit d’amour saphique d’un bout à l’autre [...] Je méprise instinctivement et profondément Monsieur Bérenger et ses semblables, et veux faire éditer mon livre quand même et tout de suite [...] Je dois retourner dans mon pays à la fin du mois prochain et veux laisser ma bombe de destruction derrière moi... Sérieusement mon livre n’est pas méchant, et s’il s’agit de deux amoureuses, ce n’est nullement de ma faute; on n’en a jamais voulu aux albinos d’avoir les yeux roses pourquoi m’en voudrait-on d’être lesbienne ? C’est simplement une affaire de nature »... Elle confie à Louÿs le manuscrit de ce roman, lui demandant ce qu’il en pense et sollicitant quelques lignes de préface, moyennant rétribution : « j’ai l’esprit des affaires grâce peut-être à un ancêtre juif qui reparaît en ce moment pour nous offenser tous les deux mais qu’il ne faut pas offenser par un refus [...] Si le sans-gêne trop américain de cette idée vous – comment dire ? ou si pour des raisons de famille vous ne pouvez pas – ou vous ne voulez pas être associé à mon livre je serais la première à comprendre qu’on respecte les devoirs dont moi-même je m’acquitte si mal. [...] Je suis un petit apprenti bien fade et très femme, niais peut-être par cela même je saurais aider à soutenir cette culte de la forme que vous enseignez si bien à un âge qui a désappris les lois de la beauté, les seules que j’estime salutaires »... La famille Barney, appréciant peu le scandale provoqué par son homosexualité affichée, rappelle Natalie en Amérique, mais avant son départ, la jeune femme évoque une proposition de l’éditeur Kistemaeckers, désireuse qu’elle est de se débarrasser du souvenir de son ancienne maîtresse : « Je veux partir “heart whole and fancy free”, quitte envers ce petit monstre... et je la croyais si naïve, ce qui prouve l’innocence de ma perversité »... De Washington, en novembre 1901, elle écrit dans la marge d’un article de journal consacré à une exposition de tableaux de sa mère, Alice Pike Barney, évoquant une rencontre avec Alfred DOUGLAS, célèbre pour sa liaison avec Oscar Wilde, ainsi qu’avec Jeanne de Margerie, « sœur du glorieux et très insipide Rostand ». Plaignez-moi d’être exilée parmi les pins austères de ma terre natale, absorbée ainsi dans les banalités qui m’entourent et me protègent de vivre, et de m’épanouir – et d’être entièrement [...] Je ne pourrais même pas vous écrire si je n’avais pas été réchauffée par Une volupté nouvelle où je fus rappelée à toutes les charmes de la langue que j’aime... Puis de trouver là le nom de celle que j’ai tant désirée et possédée et regrettée m’a fait rêver. Dans cet environnement, Natalie peine à reprendre le roman sur ses amours, comme le lui a conseillé Louÿs : « Sérieusement je n’ai pas d’art, je n’ai que des élans et pour cela je ne puis rien faire de sang froid [...] Vous êtes un maître incomparable, vos arcs-en-ciel restent sur le papier. Vos voluptés ressussitent chaque fois qu’on les lit, elles sont fixées éternellement jeunes et belles. [...] Vous faites des livres de joie et Bilitis m’a donné des extases plus éperdues et des tendresses plus tendres que n’importe quelle autre maîtresse. Si j’ai voulu faire des livres c’était pour lui répondre, je voudrais être une des voix que ses paroles ont éveillées, et dire au monde vieux et sourd à force de mensonges, aveugle à force de laideurs que déjà des jeunes filles de la société future qui apprécient ce que vous avez fait pour elles »... Préparant la sortie de ses Cinq Petits Dialogues grecs (sous le pseudonyme de Tryphê), Natalie demande à Louis de l’aider à corriger les épreuves de ce livre qu’elle lui a dédié, et lui confie ses peines de cœur (22 janvier 1902) : « Elle [Renée VIVIEN] ne m’aime plus la méchante, et je reste triste sans cesse, et sans cesse désolée »... Elle se propose de tirer du recueil Sanguines de Louÿs une idylle pour l’une des représentations dansées qu’elle organise chez elle. [Dialogue au soleil couchant fut donné lors d’une soirée de l’été 1905 ; Colette en fut l’interprète principale]. Elle demande à Louÿs d’amener Claude Debussy ; elle invite Philippe Berthelot, Porto-Riche et Anatole France ; Paul Valéry, « souffrant ne quitte pas son feu où il se sent avoir cent ans »... Lady Westmacott et Madame Vanderbilt désirent rencontrer Pierre Louÿs chez elle… En juin 1916, elle fait l’éloge de Poétique, paru au Mercure de France : « Quelle belle chose de vous |...] et que cette prosodie nous repose »... Etc. On connaît six autres lettres de Natalie Barney à Pierre Louÿs, conservées à l’University of Texas à Austin (Baudelaire to Beckett, Austin 1976, n° 300). Une dizaine de lettres de Louÿs à Natalie Barney se trouvent à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet avec trois lettres reçues par Louÿs de l’Amazone, agressives et sévères, que Louÿs lui avait retournées afin qu’elle les déchire elle-même (Autour de Natalie Clifford Barney, 1976, p. 49-51). provenance Catalogue Pierre Louÿs (Librairie Jean-Claude Vrain, 2009, n° 478)

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18 Nov 2019
France, Paris
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