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JEAN COCTEAU. La Tentation du Christ sur la montagne. 1951. Huile sur isorel. 160 x 185 cm.

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COCTEAU, JEAN

LA TENTATION DU CHRIST SUR LA MONTAGNE.
1951.

Huile sur isorel.
Titrée et datée 1951 au dos.
160 x 185 cm.

Toile historique, de très grandes dimensions, peinte du 28 septembre au 14 octobre 1951.

Dans Le Passé défini, Cocteau décrit son travail sur ce tableau à plusieurs reprises :

Le 16 septembre 1951 : "Je crains que la peinture ne m'attaque les doigts. Beaucoup souffert des doigts cette nuit. Je voudrais pourtant peindre au retour de Paris une grande toile : Jésus tenté par Lucifer, où toutes les formes seraient inscrites dans des triangles." (Le Passé défini, I, 1951-1952, p. 38-39).

Le 28 septembre 1951, à propos de sa technique : "Je commence à préparer mes dessous sur Isorel pour La Tentation sur la montagne. Préparatifs à l'essence. Ensuite je vernirai au vernis à retoucher. Ensuite je peindrai dessus par couches successives" (idem, p. 43-44).

Le 3 octobre 1951 : "J'ai recommencé La Tentation sur la Montagne dans un style beaucoup plus dur. Je me laissais aller à peindre en n'y ayant aucun droit. Il faut que je remplace la science de peintre par une autre science de poète. Il faut que mes sources de lumière viennent de l'esprit." (Idem, p. 49).

Le 6 octobre 1951 : "Travaillé ce matin à l'arbre et au ciel. J'ai peint la nature morte (verres de vin rouge, pomme, cruche) dans un style fruste et réaliste pour souligner l'irréalisme du reste. (Les triangles - la robe du Christ de deux rouges différents - le Satan irisé - l'auréole transparente.) Le ciel qui a l'air fou est une copie exacte du ciel de la Côte le soir où les Castaing sont venus à Santo Sospir, la semaine dernière." (Idem, p. 50-51).

Le 11 octobre : "J'avais travaillé les figures du Christ et du Satan. Le Satan est charmant, comme de juste. C'est un Satan qui sort d'Ecbatane. Un des Satans adolescents de Verlaine. Il parle, il parle, il démontre, il cherche à convaincre. Le Christ écoute, mais il écoute ailleurs et d'une oreille. J'ai pensé si intensément chaque millimètre de cette toile qu'il en résulte que la toile pense. Cela remplace le métier de peindre qui me manque, quoique Spiro en dise. Il est dommage que cette planche soit si lourde. Je voudrais la faire transporter à Munich. Elle donnerait un sens à l'ensemble. Cette grande composition résume les recherches de ces six derniers mois et si je m'acharne à peindre, c'est d'elle que je repartirai, sur elle que je prendrai mon élan. C'est une grosse planche tremplin.
Max Jacob a raison de dire : "Un tableau tourne, tourne, tourne. Quand il ne tourne plus, c'est qu'il est fini ?" Mon tableau s'est arrêté de tourner ce matin. Je ne peux que renforcer des touches, rendre des surfaces plus lisses, ombrer encore le paysage vu à vol d'oiseau. C'est un tableau bien raconté. Un tableau de poète. Les seuls auxquels je puisse prétendre. Spiro a remarqué le fusil vert pâle formé par le ciel entre les bras du Satan irisé. Le Satan feint le charme et il vise le Christ avec ce fusil. On dira sans doute encore que ce Satan est un "nègre". Les gens prennent toutes les figures sombres pour des nègres. Je constate de plus en plus combien les gens voient mal ce qu'on leur montre, ne jugent que d'un œil et vite. Je plains les peintres qui cherchent des spectateurs compréhensifs. Je n'expose pas. Je m'expose. Je m'expose même au ridicule." (Idem, p. 64).

Le 13 octobre, il a travaillé au ciel de cette toile immense et, le 14 octobre, il ajoute : "Cette nuit, j'ai peint les crocus. L'un sous la chaise du Satan, comme s'il sortait de sa cheville, l'autre à l'extrême droite entre la robe du Christ et le paysage. Spiro m'ayant fait remarquer, pendant qu'on photographiait que la main sombre de Satan avait l'air de toucher la joue droite du Christ, j'ai éclairé cette main. Il est possible que je change sa pente et que je découvre le doigt tendu. Sur la main droite du Satan et sur le poignet gauche et la saignée gauche j'ai peint des veines comme sur la main du David de Michel-Ange. Il faudrait le rendre très humain malgré sa couleur animale, très terrestre. (Prince de ce monde.) Par contre le Christ, traversé par des formes et des lumières du paysage est à moitié là, à moitié ailleurs." (Idem, p. 65).

La reproduction du croquis intitulé Triangles de la construction du tableau. Le Christ tenté sur la montagne figure dans Le Passé défini (idem, p. 60). Les couleurs y sont indiquées.

Dans le catalogue de son exposition de Nice de 1953, Cocteau décrit ainsi cette toile : "Jésus écoute Satan qui lui offre le monde visible. Il écoute à peine. Son regard est ailleurs".

"...le Christ, vêtu d’une ample toge rouge sombre, assis à une table transformée par la nappe blanche qui la recouvre en un grand triangle isocèle. Le vêtement du Christ comporte de même sur la poitrine une grande échancrure parfaitement triangulaire et dont la pointe repose sur le plateau de la table. C’est autour de ces deux masses claires et aiguës que les valeurs sombres du tableau s’organisent. Près du Christ marqué par...

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22 Jun 2020
France, Paris
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COCTEAU, JEAN

LA TENTATION DU CHRIST SUR LA MONTAGNE.
1951.

Huile sur isorel.
Titrée et datée 1951 au dos.
160 x 185 cm.

Toile historique, de très grandes dimensions, peinte du 28 septembre au 14 octobre 1951.

Dans Le Passé défini, Cocteau décrit son travail sur ce tableau à plusieurs reprises :

Le 16 septembre 1951 : "Je crains que la peinture ne m'attaque les doigts. Beaucoup souffert des doigts cette nuit. Je voudrais pourtant peindre au retour de Paris une grande toile : Jésus tenté par Lucifer, où toutes les formes seraient inscrites dans des triangles." (Le Passé défini, I, 1951-1952, p. 38-39).

Le 28 septembre 1951, à propos de sa technique : "Je commence à préparer mes dessous sur Isorel pour La Tentation sur la montagne. Préparatifs à l'essence. Ensuite je vernirai au vernis à retoucher. Ensuite je peindrai dessus par couches successives" (idem, p. 43-44).

Le 3 octobre 1951 : "J'ai recommencé La Tentation sur la Montagne dans un style beaucoup plus dur. Je me laissais aller à peindre en n'y ayant aucun droit. Il faut que je remplace la science de peintre par une autre science de poète. Il faut que mes sources de lumière viennent de l'esprit." (Idem, p. 49).

Le 6 octobre 1951 : "Travaillé ce matin à l'arbre et au ciel. J'ai peint la nature morte (verres de vin rouge, pomme, cruche) dans un style fruste et réaliste pour souligner l'irréalisme du reste. (Les triangles - la robe du Christ de deux rouges différents - le Satan irisé - l'auréole transparente.) Le ciel qui a l'air fou est une copie exacte du ciel de la Côte le soir où les Castaing sont venus à Santo Sospir, la semaine dernière." (Idem, p. 50-51).

Le 11 octobre : "J'avais travaillé les figures du Christ et du Satan. Le Satan est charmant, comme de juste. C'est un Satan qui sort d'Ecbatane. Un des Satans adolescents de Verlaine. Il parle, il parle, il démontre, il cherche à convaincre. Le Christ écoute, mais il écoute ailleurs et d'une oreille. J'ai pensé si intensément chaque millimètre de cette toile qu'il en résulte que la toile pense. Cela remplace le métier de peindre qui me manque, quoique Spiro en dise. Il est dommage que cette planche soit si lourde. Je voudrais la faire transporter à Munich. Elle donnerait un sens à l'ensemble. Cette grande composition résume les recherches de ces six derniers mois et si je m'acharne à peindre, c'est d'elle que je repartirai, sur elle que je prendrai mon élan. C'est une grosse planche tremplin.
Max Jacob a raison de dire : "Un tableau tourne, tourne, tourne. Quand il ne tourne plus, c'est qu'il est fini ?" Mon tableau s'est arrêté de tourner ce matin. Je ne peux que renforcer des touches, rendre des surfaces plus lisses, ombrer encore le paysage vu à vol d'oiseau. C'est un tableau bien raconté. Un tableau de poète. Les seuls auxquels je puisse prétendre. Spiro a remarqué le fusil vert pâle formé par le ciel entre les bras du Satan irisé. Le Satan feint le charme et il vise le Christ avec ce fusil. On dira sans doute encore que ce Satan est un "nègre". Les gens prennent toutes les figures sombres pour des nègres. Je constate de plus en plus combien les gens voient mal ce qu'on leur montre, ne jugent que d'un œil et vite. Je plains les peintres qui cherchent des spectateurs compréhensifs. Je n'expose pas. Je m'expose. Je m'expose même au ridicule." (Idem, p. 64).

Le 13 octobre, il a travaillé au ciel de cette toile immense et, le 14 octobre, il ajoute : "Cette nuit, j'ai peint les crocus. L'un sous la chaise du Satan, comme s'il sortait de sa cheville, l'autre à l'extrême droite entre la robe du Christ et le paysage. Spiro m'ayant fait remarquer, pendant qu'on photographiait que la main sombre de Satan avait l'air de toucher la joue droite du Christ, j'ai éclairé cette main. Il est possible que je change sa pente et que je découvre le doigt tendu. Sur la main droite du Satan et sur le poignet gauche et la saignée gauche j'ai peint des veines comme sur la main du David de Michel-Ange. Il faudrait le rendre très humain malgré sa couleur animale, très terrestre. (Prince de ce monde.) Par contre le Christ, traversé par des formes et des lumières du paysage est à moitié là, à moitié ailleurs." (Idem, p. 65).

La reproduction du croquis intitulé Triangles de la construction du tableau. Le Christ tenté sur la montagne figure dans Le Passé défini (idem, p. 60). Les couleurs y sont indiquées.

Dans le catalogue de son exposition de Nice de 1953, Cocteau décrit ainsi cette toile : "Jésus écoute Satan qui lui offre le monde visible. Il écoute à peine. Son regard est ailleurs".

"...le Christ, vêtu d’une ample toge rouge sombre, assis à une table transformée par la nappe blanche qui la recouvre en un grand triangle isocèle. Le vêtement du Christ comporte de même sur la poitrine une grande échancrure parfaitement triangulaire et dont la pointe repose sur le plateau de la table. C’est autour de ces deux masses claires et aiguës que les valeurs sombres du tableau s’organisent. Près du Christ marqué par...

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22 Jun 2020
France, Paris
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