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LA GANDARA. Portrait de Jean Lorrain. [1902]. Huile sur toile. de la collection personnelle de La Gandara.

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[LORRAIN, JEAN] -- ANTONIO DE LA GANDARA

PORTRAIT DE JEAN LORRAIN.
[1902.]

Huile sur toile. 154 x 97 cm. Encadrement bois, probablement d'origine.

"C’est mieux qu’un portrait, c’est une vision, presque un spectre, un fantôme, c’est toute l’âme de M. de Phocas" (Jean Lorrain).

Exemplaire de la collection personnelle du peintre.

Ce portrait est identique au portrait de Jean Lorrain par La Gandara conservé au Musée d'Orsay. La Gandara réalisa deux portraits similaires de Jean Lorrain, dont aucun des deux ne fut accroché chez l’écrivain. Notons qu'une étude de ces portraits, de format plus petit, est conservée au Musée Carnavalet.
Antonio de La Gandara (1861-1917) jouissait de son vivant d’une notoriété de portraitiste comparable à celle de Jacques-Émile Blanche ou de Giovanni Boldini. On connaît notamment les portraits qu’il réalisa de Robert de Montesquiou ou de l’amant de celui-ci, Gabriel Yturri, de l’épouse de Gabriele d’Annunzio, de la comtesse Greffulhe, etc.

Culminant vers 1900, sa carrière avait été promue par Jean Lorrain, qui, après avoir découvert La Gandara au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts en 1893, lui avait consacré un article dithyrambique. La Gandara réalisa un premier portrait de son défenseur l'année suivante, de petit format, pour Edmond de Goncourt, sur une reliure en vélin des Buveurs d’âmes de Jean Lorrain. C'est en 1902 que le peintre réalisa un portrait de grande taille du critique auquel il devait tant d’éloges. L’écrivain fut satisfait de sa représentation, puisqu’il écrit, le 31 décembre 1903 à Mme de Thèbes : "le portrait de La Gandara révolutionnera certainement le monde. Il est enfin terminé, ce portrait, vous devez l’aller voir, car il vous intéressera surement. Mieux, il vous impressionnera. C’est mieux qu’un portrait, c’est une vision, presque un spectre, un fantôme, c’est toute l’âme de M. de Phocas et c’est aussi celle de Jean Lorrain, la main surtout est étonnante, les yeux hallucinants. Allez le voir, c’est l’illustration même de votre texte, l’un complètera l’autre".

Dans Le Cri de Paris du 12 octobre 1902, on lit cette description saisissante du portrait, qui insiste sur les lourdes bagues, et établit un parallèle entre le modèle, M. de Phocas et le portrait de Dorian Gray : "Jean Lorrain, levant la main, fait miroiter à la lumière les bagues qui alourdissent ses doigts, des bagues étranges, maladives, énormes, aux perles difformes, aux pierres de lune où dort une eau morte. Il est debout sanglé dans un vêtement couleur de rouille, un large feutre sous le bras, et tel qu'on le verra au prochain Salon, dans le portrait de La Gandara, un portrait dont on parlera et qui restera comme la plus curieuse, la plus subtile évocation du talent si complexe et de l'âme si tourmentée de l'auteur de M. de Phocas. Le portrait de Dorian Gray ! On y songera, involontairement. Et comment n'y pas songer ? C'est à la fois Dorian Gray et M. de Phocas ; c'est Raitif de la Bretonne, et c'est Jean Lorrain. C'est mieux encore : c'est l'âme sonore de l'écrivain, sentimentale et perverse ; ce sont ses passions, ses douleurs, toute sa vie intérieure que le peintre a fixées là, inoubliablement."

Un autre critique insiste sur la finesse psychologique de l’art de La Gandara, affirmant qu’on reconnaît aussi bien la mélancolie de l’écrivain que le caractère déterminé du critique d’art : "M. de La Gandara, qui a merveilleusement compris son modèle, l'a représenté dans une attitude dédaigneuse et triste, comme surgie pour le dégoût et le défi. Portrait d'orgueil et de mélancolie : il est la superbe affirmation de l'homme qu'aucun joug n'a pu contraindre, mais qui garde dans ses yeux las les meurtrissures faites par la tourbe des imbéciles. C'est bien l'image du combatif et de l'impulsif qui, dans tous ses livres, a vomi si violemment le vice et la nausée de son siècle. La main longue, armée de bagues, des bagues vénéneuses d'un vert de fond de puits, est toute une indication de caractère : souple et fuyante et pourtant tenace. Cette main-là n'est pas facile à amadouer, les flatteries les plus hypocritement ciselées n'en feront jamais une main de velours. C'est bien la main de l'homme au menton résolu, volontaire, et dont la bouche sensuelle et le nez insolent, d'une insolente jeunesse, sont démentis par la terrible usure du front et du regard ; un front raviné, gonflé de veines, inquiétant et têtu, abritant dans la double caverne des arcades sourcilières l'eau dolente et bleuâtre d'un œil de matelot et de pirate, les prunelles glauques d'un aventurier de la mer." (Julien de Rungis, dans Le Journal, 3 janvier 1904).

Exposé au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts de 1904, ce portrait reçoit un accueil enthousiaste de la critique, comme en témoignent les nombreuses critiques de l’époque (voir ci-dessous). Parmi celles-ci, La Revue théâtrale, qui reproduit le portrait en couverture, le commente ainsi : "plus à la mode que jamais [,] Le fier hidalgo que les salons se disputent...

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22 Jun 2020
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[LORRAIN, JEAN] -- ANTONIO DE LA GANDARA

PORTRAIT DE JEAN LORRAIN.
[1902.]

Huile sur toile. 154 x 97 cm. Encadrement bois, probablement d'origine.

"C’est mieux qu’un portrait, c’est une vision, presque un spectre, un fantôme, c’est toute l’âme de M. de Phocas" (Jean Lorrain).

Exemplaire de la collection personnelle du peintre.

Ce portrait est identique au portrait de Jean Lorrain par La Gandara conservé au Musée d'Orsay. La Gandara réalisa deux portraits similaires de Jean Lorrain, dont aucun des deux ne fut accroché chez l’écrivain. Notons qu'une étude de ces portraits, de format plus petit, est conservée au Musée Carnavalet.
Antonio de La Gandara (1861-1917) jouissait de son vivant d’une notoriété de portraitiste comparable à celle de Jacques-Émile Blanche ou de Giovanni Boldini. On connaît notamment les portraits qu’il réalisa de Robert de Montesquiou ou de l’amant de celui-ci, Gabriel Yturri, de l’épouse de Gabriele d’Annunzio, de la comtesse Greffulhe, etc.

Culminant vers 1900, sa carrière avait été promue par Jean Lorrain, qui, après avoir découvert La Gandara au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts en 1893, lui avait consacré un article dithyrambique. La Gandara réalisa un premier portrait de son défenseur l'année suivante, de petit format, pour Edmond de Goncourt, sur une reliure en vélin des Buveurs d’âmes de Jean Lorrain. C'est en 1902 que le peintre réalisa un portrait de grande taille du critique auquel il devait tant d’éloges. L’écrivain fut satisfait de sa représentation, puisqu’il écrit, le 31 décembre 1903 à Mme de Thèbes : "le portrait de La Gandara révolutionnera certainement le monde. Il est enfin terminé, ce portrait, vous devez l’aller voir, car il vous intéressera surement. Mieux, il vous impressionnera. C’est mieux qu’un portrait, c’est une vision, presque un spectre, un fantôme, c’est toute l’âme de M. de Phocas et c’est aussi celle de Jean Lorrain, la main surtout est étonnante, les yeux hallucinants. Allez le voir, c’est l’illustration même de votre texte, l’un complètera l’autre".

Dans Le Cri de Paris du 12 octobre 1902, on lit cette description saisissante du portrait, qui insiste sur les lourdes bagues, et établit un parallèle entre le modèle, M. de Phocas et le portrait de Dorian Gray : "Jean Lorrain, levant la main, fait miroiter à la lumière les bagues qui alourdissent ses doigts, des bagues étranges, maladives, énormes, aux perles difformes, aux pierres de lune où dort une eau morte. Il est debout sanglé dans un vêtement couleur de rouille, un large feutre sous le bras, et tel qu'on le verra au prochain Salon, dans le portrait de La Gandara, un portrait dont on parlera et qui restera comme la plus curieuse, la plus subtile évocation du talent si complexe et de l'âme si tourmentée de l'auteur de M. de Phocas. Le portrait de Dorian Gray ! On y songera, involontairement. Et comment n'y pas songer ? C'est à la fois Dorian Gray et M. de Phocas ; c'est Raitif de la Bretonne, et c'est Jean Lorrain. C'est mieux encore : c'est l'âme sonore de l'écrivain, sentimentale et perverse ; ce sont ses passions, ses douleurs, toute sa vie intérieure que le peintre a fixées là, inoubliablement."

Un autre critique insiste sur la finesse psychologique de l’art de La Gandara, affirmant qu’on reconnaît aussi bien la mélancolie de l’écrivain que le caractère déterminé du critique d’art : "M. de La Gandara, qui a merveilleusement compris son modèle, l'a représenté dans une attitude dédaigneuse et triste, comme surgie pour le dégoût et le défi. Portrait d'orgueil et de mélancolie : il est la superbe affirmation de l'homme qu'aucun joug n'a pu contraindre, mais qui garde dans ses yeux las les meurtrissures faites par la tourbe des imbéciles. C'est bien l'image du combatif et de l'impulsif qui, dans tous ses livres, a vomi si violemment le vice et la nausée de son siècle. La main longue, armée de bagues, des bagues vénéneuses d'un vert de fond de puits, est toute une indication de caractère : souple et fuyante et pourtant tenace. Cette main-là n'est pas facile à amadouer, les flatteries les plus hypocritement ciselées n'en feront jamais une main de velours. C'est bien la main de l'homme au menton résolu, volontaire, et dont la bouche sensuelle et le nez insolent, d'une insolente jeunesse, sont démentis par la terrible usure du front et du regard ; un front raviné, gonflé de veines, inquiétant et têtu, abritant dans la double caverne des arcades sourcilières l'eau dolente et bleuâtre d'un œil de matelot et de pirate, les prunelles glauques d'un aventurier de la mer." (Julien de Rungis, dans Le Journal, 3 janvier 1904).

Exposé au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts de 1904, ce portrait reçoit un accueil enthousiaste de la critique, comme en témoignent les nombreuses critiques de l’époque (voir ci-dessous). Parmi celles-ci, La Revue théâtrale, qui reproduit le portrait en couverture, le commente ainsi : "plus à la mode que jamais [,] Le fier hidalgo que les salons se disputent...

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22 Jun 2020
France, Paris
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