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MONTESQUIOU. Correspondance à George Barbier. 1905-1910. Env. 40 lettres, cartes postales, et billets.

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MONTESQUIOU, ROBERT DE

CORRESPONDANCE AU PEINTRE GEORGE BARBIER.
ARTAGNAN, NEUILLY, PARIS, TOULOUSE, BERLIN, GENÈVE, ETC., 1905-1910.

Environ 38 lettres autographes signées (environ 117 pages sur 75 feuillets ou bi-feuillets in-12 à in-4), avec 3 cartes de visites, 4 cartes postales, 2 cartons d’invitations ; enveloppes autographes. Encre ou mine de plomb. Plusieurs lettres à en-tête.

Amicale, presque tendre correspondance, qui se termine par de cinglantes lettres, que Charlus aurait pu écrire dans le roman de Proust.

Très intéressante correspondance dans laquelle Montesquiou conseille et protège le jeune artiste (1882-1932), qui sera le peintre et le dessinateur talentueux des fastes des Ballets Russes et dont on retient surtout aujourd’hui ses dessins de mode pour le Journal des dames et des modes (1912-1914), la Gazette du bon ton ou Falbalas et fanfreluches.

Figure tutélaire pour Barbier, comme il l’avait été pour Marcel Proust, Robert de Montesquiou explique à celui qu’il appelle souvent "mon élève" : "je ne m’intéresse aux personnes que dans la mesure où je puis agir sur leur destiné." Dans ce jeune artiste de vingt-trois ans qu’il rencontre en 1905, peu après la mort de Gabriel Yturri (voir lots 77 et 79), le comte entrevoit "une désirable qualité de disciple", et décide de le prendre sous son aile, de le guider, non sans souligner la différence sociale et d’âge qui les sépare. Doué de talents d’écriture, Barbier semble hésiter entre la carrière d’homme de lettres et celle d’artiste : ses belles lettres prouvent déjà qu’il peut être "un artiste rare", mais peut-être se méprend-il en se croyant dessinateur ou artiste (19 février 1906). En Socrate de son temps, Montesquiou envisage leur relation épistolaire comme une vraie maïeutique : "servir de tremplin à des rêveries épistolaires, lesquelles vous aident à vous connaître, et à vous comprendre, parce qu’elles vous mettent en présence de vos pensées encore confuses." (29 décembre 1907). Une belle lettre du jeune artiste lui fait dire : "Nouvelle belle lettre. C’est bien. Ça a l’air d’être pour moi, et c’est pour vous. Tant mieux.", et lui donne quelque tâche d’écriture : "Allez voir les eaux de St Cloud (le 24 (je crois) et décrivez" (11 juin 1908).

Torturé par une déception amoureuse, et en proie à des doutes sur la carrière à suivre, George Barbier est consolé par son mentor ("Vous traversez une de ces crises sentimentales, que nous avons (heureusement !) tous, connues… et pas seulement une fois ! »), qui un peu comme le dira Swann chez Proust, s’exclame : "C’est donc pour cela que j’ai tant souffert !" Montesquiou s’érige parfois en maître de conscience, et prodigue des "consultations" psychologiques au jeune homme dépressif : il l’encourage à prendre soin de lui, à préparer son été "si vous voulez sinon vivre, du moins ne pas végéter. Ce qu’on appelle : L’Âme, a besoin de calories. Les neurasthéniques, en art, sont des larves. Il n’en est pas de même des blessés, ou des infirmes, auxquels ces accidents peuvent enlever dans l’exercice de leurs dons, une exubérance, qui était de trop. Voilà ma consultation, que la faculté devrait rectifier. […] votre émotivité visible n’est mise en jeu que par des mouvements esthétiques, et, jamais, par des ressorts sentimentaux ; et que cela crée, à la longue, une atmosphère irrespirable, comme serait celle d’un paysage dont les arbres métalliques se mireraient dans un lac de cristal." (31 janvier 1907). Quand Barbier craint de l’avoir fâché, Montesquiou l’encourage : "Comment pourrais-je être fâché d’autre chose que de vous voir perdre une occasion de progresser" (s.d.), et quand Barbier croit que l’intérêt de ce dernier à son égard ne se soit amoindri : "Mais non, vous vous trompez, je ne suis pas du tout "revenu de ma première bienveillance" qui n’a pas de meilleure, ni même d’autre façon de se témoigner, que de s’exprimer avec netteté sur vos qualités et sur vos défauts. " (10 janvier 1907).

À l’automne 1908, les lettres de Montesquiou prennent un tour cinglant, presque méchant, dans lesquelles on lit presque certaines répliques mortifiantes du baron de Charlus, jusqu’à une rupture définitive.
Très conscient du privilège qu’il octroie au jeune homme en daignant s’intéresser à sa personne, ne croirait-on pas entendre Charlus dans la Recherche ? Aux yeux du comte, la flatterie ne semble pas être un défaut : il aurait souhaité plus d’empressement de la part de son jeune élève (qui refuse de son côté à l’appeler "maître"), à reconnaître la faveur qu’il lui accorde en s’intéressant à lui : "L’exceptionnelle bienveillance que je vous ai témoignée — et que je ne regrette pas, puisque vous m’avez paru la mériter par vos sentiments et par vos dons – ne devait pas vous laisser de doute, à ce sujet" ([4 octobre] 1908).
Trop peu reconnaissant de ses "trop généreuses leçons" (11 novembre 1908), Montesquiou aurait voulu que Barbier lui écrive : "J’étais fier et heureux […] de penser à la marque d’intérêt qu’un tel...

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22 Jun 2020
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MONTESQUIOU, ROBERT DE

CORRESPONDANCE AU PEINTRE GEORGE BARBIER.
ARTAGNAN, NEUILLY, PARIS, TOULOUSE, BERLIN, GENÈVE, ETC., 1905-1910.

Environ 38 lettres autographes signées (environ 117 pages sur 75 feuillets ou bi-feuillets in-12 à in-4), avec 3 cartes de visites, 4 cartes postales, 2 cartons d’invitations ; enveloppes autographes. Encre ou mine de plomb. Plusieurs lettres à en-tête.

Amicale, presque tendre correspondance, qui se termine par de cinglantes lettres, que Charlus aurait pu écrire dans le roman de Proust.

Très intéressante correspondance dans laquelle Montesquiou conseille et protège le jeune artiste (1882-1932), qui sera le peintre et le dessinateur talentueux des fastes des Ballets Russes et dont on retient surtout aujourd’hui ses dessins de mode pour le Journal des dames et des modes (1912-1914), la Gazette du bon ton ou Falbalas et fanfreluches.

Figure tutélaire pour Barbier, comme il l’avait été pour Marcel Proust, Robert de Montesquiou explique à celui qu’il appelle souvent "mon élève" : "je ne m’intéresse aux personnes que dans la mesure où je puis agir sur leur destiné." Dans ce jeune artiste de vingt-trois ans qu’il rencontre en 1905, peu après la mort de Gabriel Yturri (voir lots 77 et 79), le comte entrevoit "une désirable qualité de disciple", et décide de le prendre sous son aile, de le guider, non sans souligner la différence sociale et d’âge qui les sépare. Doué de talents d’écriture, Barbier semble hésiter entre la carrière d’homme de lettres et celle d’artiste : ses belles lettres prouvent déjà qu’il peut être "un artiste rare", mais peut-être se méprend-il en se croyant dessinateur ou artiste (19 février 1906). En Socrate de son temps, Montesquiou envisage leur relation épistolaire comme une vraie maïeutique : "servir de tremplin à des rêveries épistolaires, lesquelles vous aident à vous connaître, et à vous comprendre, parce qu’elles vous mettent en présence de vos pensées encore confuses." (29 décembre 1907). Une belle lettre du jeune artiste lui fait dire : "Nouvelle belle lettre. C’est bien. Ça a l’air d’être pour moi, et c’est pour vous. Tant mieux.", et lui donne quelque tâche d’écriture : "Allez voir les eaux de St Cloud (le 24 (je crois) et décrivez" (11 juin 1908).

Torturé par une déception amoureuse, et en proie à des doutes sur la carrière à suivre, George Barbier est consolé par son mentor ("Vous traversez une de ces crises sentimentales, que nous avons (heureusement !) tous, connues… et pas seulement une fois ! »), qui un peu comme le dira Swann chez Proust, s’exclame : "C’est donc pour cela que j’ai tant souffert !" Montesquiou s’érige parfois en maître de conscience, et prodigue des "consultations" psychologiques au jeune homme dépressif : il l’encourage à prendre soin de lui, à préparer son été "si vous voulez sinon vivre, du moins ne pas végéter. Ce qu’on appelle : L’Âme, a besoin de calories. Les neurasthéniques, en art, sont des larves. Il n’en est pas de même des blessés, ou des infirmes, auxquels ces accidents peuvent enlever dans l’exercice de leurs dons, une exubérance, qui était de trop. Voilà ma consultation, que la faculté devrait rectifier. […] votre émotivité visible n’est mise en jeu que par des mouvements esthétiques, et, jamais, par des ressorts sentimentaux ; et que cela crée, à la longue, une atmosphère irrespirable, comme serait celle d’un paysage dont les arbres métalliques se mireraient dans un lac de cristal." (31 janvier 1907). Quand Barbier craint de l’avoir fâché, Montesquiou l’encourage : "Comment pourrais-je être fâché d’autre chose que de vous voir perdre une occasion de progresser" (s.d.), et quand Barbier croit que l’intérêt de ce dernier à son égard ne se soit amoindri : "Mais non, vous vous trompez, je ne suis pas du tout "revenu de ma première bienveillance" qui n’a pas de meilleure, ni même d’autre façon de se témoigner, que de s’exprimer avec netteté sur vos qualités et sur vos défauts. " (10 janvier 1907).

À l’automne 1908, les lettres de Montesquiou prennent un tour cinglant, presque méchant, dans lesquelles on lit presque certaines répliques mortifiantes du baron de Charlus, jusqu’à une rupture définitive.
Très conscient du privilège qu’il octroie au jeune homme en daignant s’intéresser à sa personne, ne croirait-on pas entendre Charlus dans la Recherche ? Aux yeux du comte, la flatterie ne semble pas être un défaut : il aurait souhaité plus d’empressement de la part de son jeune élève (qui refuse de son côté à l’appeler "maître"), à reconnaître la faveur qu’il lui accorde en s’intéressant à lui : "L’exceptionnelle bienveillance que je vous ai témoignée — et que je ne regrette pas, puisque vous m’avez paru la mériter par vos sentiments et par vos dons – ne devait pas vous laisser de doute, à ce sujet" ([4 octobre] 1908).
Trop peu reconnaissant de ses "trop généreuses leçons" (11 novembre 1908), Montesquiou aurait voulu que Barbier lui écrive : "J’étais fier et heureux […] de penser à la marque d’intérêt qu’un tel...

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22 Jun 2020
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