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LOT 138

PROUST, Marcel (1871 – 1922). A l’ombre des jeunes filles en fleurs. Paris : NRF, 1920.

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PROUST, Marcel (1871 – 1922). A l’ombre des jeunes filles en fleurs. Paris : NRF, 1920.

Edition de luxe du prix Goncourt 1919 bien complet de ses deux placards, souvent dispersés, et conservés avec leur exemplaire dans le portefeuille d’origine.

Les deux placards, dont un entièrement manuscrit, ne sont pas recensés par Pyra Wise.

Le placard sur lequel figure la mention « 4èmes épreuves à partir de la page 141 n° 1 » correspond au premier volume (pages 591 – 601 de l’édition de la Pléiade d’A l’Ombre des jeunes filles en fleurs). Le narrateur assiste à une réunion chez Madame Swann, avec Mme Cottard, Mme Verdurin, le prince d’Agrigente et Mme Bontemps. Ce passage, exposé à la manière d’une scène de genre, permet à Proust de décrire les ressorts et les mécanismes de la vie mondaine. A travers un ton toujours introspectif et parfois sarcastique, l’auteur offre une critique sans détour de l’hypocrisie des salons et des enjeux sociaux qui les sous-tendent : "Cependant Mme Bontemps, qui avait dit cent fois qu’elle ne voulait pas aller chez les Verdurin, ravie d’être invitée aux mercredis, était en train de calculer comment elle pourrait s’y rendre le plus de fois possible." Après avoir relevé non sans ironie les codes de la représentation en société, Proust expose les désillusions amoureuses du narrateur qui se perd dans ses représentations de l’être aimé. Les manuscrits et épreuves abondamment corrigés traduisent les hésitations de l’auteur dans la description des angoisses du protagoniste attendant une lettre de Gilberte. Les fragments autographes, béquets et épreuves corrigées forment un palimpseste dense qui nous révèle l’intimité de la création de ce passage : dans la deuxième colonne par exemple, le premier fragment manuscrit est recouvert de deux autres fragments manuscrits collés par-dessus le premier, laissant deviner un passage largement biffé.

Placard entièrement manuscrit de l’un des épisodes essentiels de la Recherche : le premier regard échangé entre le narrateur et Albertine.

Le second placard contient des fragments du cahier violet, correspondant à la seconde partie des Jeunes filles. Il réunit les manuscrits de l’un des épisodes les plus importants de la Recherche : la rencontre manquée du narrateur avec Albertine et leur premier regard. Passage essentiel de la Recherche, ce texte est révélé dans ce placard avec ses premières corrections manuscrites. Le temps passe ici à la vitesse de la mémoire : le regard échangé entre le narrateur et Albertine est décrit longuement, puis succédé par une anticipation narrative évoquant les infidélités de la jeune fille devenue son amante des années plus tard. Proust déploie dans ce texte une esthétique anachronique fondée sur la distension du temps et la confusion des époques. Le comportement ridicule du narrateur alors adolescent « je savais déjà obscurément que quand Elstir m’appellerait pour me présenter, j’aurais la sorte de regard interrogateur qui décèle non la surprise, mais le désir d’avoir l’air surpris » est confronté au tragique de cette rencontre désirée mais ratée « Tout était manqué. » Ce placard témoigne ainsi de la création de cet épisode qui structure le récit de la Recherche en mettant en scène trois des personnages les plus importants et en concentrant les procédés narratifs proustiens emblématiques. L'un des manuscrits contient une phrase ensuite modifiée d'Elstir, décrivant ce qui est encore Equemauville, et qui deviendra Carquethuit : "La forme de la plage elle même y est ravissante, ce qui n'existe pas ici. Je ne peux pas vous dire comme la ligne, la courbe des selles a de la grâce."

Si l’initiative de cette édition bibliophilique revient à Gaston Gallimard, c’est bien Proust qui la conçoit entièrement et avec un soin particulier. Dès février 1919 (Lettre 35 t. XVIII), il demande les conseils d'André Gide pour la composition de ces exemplaires « de luxe » et évoque déjà l’idée d’adjoindre « des pages de mon manuscrit ou de mes épreuves remaniées (idée approuvée par Gaston, et cela me fera je pense gagner un peu d’argent). » Cet assemblage de manuscrits et d’épreuves imprimées est le fait de Mademoiselle Rallet, dactylographe de la N.R.F qui réalise ces collages pour ordonner le texte abondamment corrigé de Proust. Ce dernier, bien que considérant son écriture « affreuse », trouve que l’ensemble formé « est ravissant et a l’air d’un palimpseste à cause de la personne qui le collait avec un goût infini. » (Lettre 150, t. XVIII à Madame Schiff, juillet 1919). Le format inhabituel de cette édition a été choisi par l’auteur pour pouvoir insérer les deux placards dans le portefeuille sans les abîmer et témoigne du grand intérêt que porte Proust à ces « marqueteries ».
Le prix Goncourt obtenu le 10 décembre 1919 et le succès commercial qui suit accélèrent le projet de cette réédition coûteuse qui voit finalement le jour en 1920, soit deux années après l’édition originale. Malgré son aspect luxueux, le texte de cette édition comporte en réalité plus d’erreurs que celui de l’édition originale.

Philip Kolb, Correspondance de Marcel Proust, 1919, Paris : Plon, 1991. RTP, I, p. 1296. Pyra Wise, « Le généticien en mosaïste », Genesis, 36 2013, 141-150.

Deux parties en un volume grand in-4 (325 x 217 mm). Tirage annonçant 50 exemplaires numérotés de I à L – en réalité 51 exemplaires de 0 à L, celui-ci n° V sur papier bible, bien complet des deux placards dont un entièrement manuscrit, le portrait de Proust imprimé en héliogravure d’après celui de Jacques-Émile Blanche parfois présent en frontispice est ici absent. En feuilles, sous portefeuille de papier peint au pochoir à décor végétal à rubans de soie blanche et noire. (Plats du portefeuille frottés, quelques manques au dos, déchirures aux pliures des rabats de la chemise en papier).
Premier placard : 30 fragments dont 16 manuscrits et 14 imprimés avec des annotations manuscrites, sur 4 colonnes sur 1 f. in-folio (495 x 645 mm), au filigrane « Daguerre ». Annotation manuscrite du typographe « 4èmes épreuves à partir de la page 141 n° 1 » au crayon bleu dans le coin supérieur gauche. (Traces de pliures.)
Second placard : 21 fragments manuscrits sur 4 colonnes sur 1 f. in-folio (495 x 645 mm), au filigrane « Daguerre ». Annotation manuscrite du typographe « Cahier violet n°17 » au crayon bleu dans le coin supérieur gauche. (Traces de pliures.)

Deluxe edition copy of Proust's A l'Ombre des Jeunes Filles en Fleurs, including two unrecorded Proust placards, one entirely handwritten recounting the first sight of Albertine by the narrator.

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07 Oct 2019
France, Paris
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PROUST, Marcel (1871 – 1922). A l’ombre des jeunes filles en fleurs. Paris : NRF, 1920.

Edition de luxe du prix Goncourt 1919 bien complet de ses deux placards, souvent dispersés, et conservés avec leur exemplaire dans le portefeuille d’origine.

Les deux placards, dont un entièrement manuscrit, ne sont pas recensés par Pyra Wise.

Le placard sur lequel figure la mention « 4èmes épreuves à partir de la page 141 n° 1 » correspond au premier volume (pages 591 – 601 de l’édition de la Pléiade d’A l’Ombre des jeunes filles en fleurs). Le narrateur assiste à une réunion chez Madame Swann, avec Mme Cottard, Mme Verdurin, le prince d’Agrigente et Mme Bontemps. Ce passage, exposé à la manière d’une scène de genre, permet à Proust de décrire les ressorts et les mécanismes de la vie mondaine. A travers un ton toujours introspectif et parfois sarcastique, l’auteur offre une critique sans détour de l’hypocrisie des salons et des enjeux sociaux qui les sous-tendent : "Cependant Mme Bontemps, qui avait dit cent fois qu’elle ne voulait pas aller chez les Verdurin, ravie d’être invitée aux mercredis, était en train de calculer comment elle pourrait s’y rendre le plus de fois possible." Après avoir relevé non sans ironie les codes de la représentation en société, Proust expose les désillusions amoureuses du narrateur qui se perd dans ses représentations de l’être aimé. Les manuscrits et épreuves abondamment corrigés traduisent les hésitations de l’auteur dans la description des angoisses du protagoniste attendant une lettre de Gilberte. Les fragments autographes, béquets et épreuves corrigées forment un palimpseste dense qui nous révèle l’intimité de la création de ce passage : dans la deuxième colonne par exemple, le premier fragment manuscrit est recouvert de deux autres fragments manuscrits collés par-dessus le premier, laissant deviner un passage largement biffé.

Placard entièrement manuscrit de l’un des épisodes essentiels de la Recherche : le premier regard échangé entre le narrateur et Albertine.

Le second placard contient des fragments du cahier violet, correspondant à la seconde partie des Jeunes filles. Il réunit les manuscrits de l’un des épisodes les plus importants de la Recherche : la rencontre manquée du narrateur avec Albertine et leur premier regard. Passage essentiel de la Recherche, ce texte est révélé dans ce placard avec ses premières corrections manuscrites. Le temps passe ici à la vitesse de la mémoire : le regard échangé entre le narrateur et Albertine est décrit longuement, puis succédé par une anticipation narrative évoquant les infidélités de la jeune fille devenue son amante des années plus tard. Proust déploie dans ce texte une esthétique anachronique fondée sur la distension du temps et la confusion des époques. Le comportement ridicule du narrateur alors adolescent « je savais déjà obscurément que quand Elstir m’appellerait pour me présenter, j’aurais la sorte de regard interrogateur qui décèle non la surprise, mais le désir d’avoir l’air surpris » est confronté au tragique de cette rencontre désirée mais ratée « Tout était manqué. » Ce placard témoigne ainsi de la création de cet épisode qui structure le récit de la Recherche en mettant en scène trois des personnages les plus importants et en concentrant les procédés narratifs proustiens emblématiques. L'un des manuscrits contient une phrase ensuite modifiée d'Elstir, décrivant ce qui est encore Equemauville, et qui deviendra Carquethuit : "La forme de la plage elle même y est ravissante, ce qui n'existe pas ici. Je ne peux pas vous dire comme la ligne, la courbe des selles a de la grâce."

Si l’initiative de cette édition bibliophilique revient à Gaston Gallimard, c’est bien Proust qui la conçoit entièrement et avec un soin particulier. Dès février 1919 (Lettre 35 t. XVIII), il demande les conseils d'André Gide pour la composition de ces exemplaires « de luxe » et évoque déjà l’idée d’adjoindre « des pages de mon manuscrit ou de mes épreuves remaniées (idée approuvée par Gaston, et cela me fera je pense gagner un peu d’argent). » Cet assemblage de manuscrits et d’épreuves imprimées est le fait de Mademoiselle Rallet, dactylographe de la N.R.F qui réalise ces collages pour ordonner le texte abondamment corrigé de Proust. Ce dernier, bien que considérant son écriture « affreuse », trouve que l’ensemble formé « est ravissant et a l’air d’un palimpseste à cause de la personne qui le collait avec un goût infini. » (Lettre 150, t. XVIII à Madame Schiff, juillet 1919). Le format inhabituel de cette édition a été choisi par l’auteur pour pouvoir insérer les deux placards dans le portefeuille sans les abîmer et témoigne du grand intérêt que porte Proust à ces « marqueteries ».
Le prix Goncourt obtenu le 10 décembre 1919 et le succès commercial qui suit accélèrent le projet de cette réédition coûteuse qui voit finalement le jour en 1920, soit deux années après l’édition originale. Malgré son aspect luxueux, le texte de cette édition comporte en réalité plus d’erreurs que celui de l’édition originale.

Philip Kolb, Correspondance de Marcel Proust, 1919, Paris : Plon, 1991. RTP, I, p. 1296. Pyra Wise, « Le généticien en mosaïste », Genesis, 36 2013, 141-150.

Deux parties en un volume grand in-4 (325 x 217 mm). Tirage annonçant 50 exemplaires numérotés de I à L – en réalité 51 exemplaires de 0 à L, celui-ci n° V sur papier bible, bien complet des deux placards dont un entièrement manuscrit, le portrait de Proust imprimé en héliogravure d’après celui de Jacques-Émile Blanche parfois présent en frontispice est ici absent. En feuilles, sous portefeuille de papier peint au pochoir à décor végétal à rubans de soie blanche et noire. (Plats du portefeuille frottés, quelques manques au dos, déchirures aux pliures des rabats de la chemise en papier).
Premier placard : 30 fragments dont 16 manuscrits et 14 imprimés avec des annotations manuscrites, sur 4 colonnes sur 1 f. in-folio (495 x 645 mm), au filigrane « Daguerre ». Annotation manuscrite du typographe « 4èmes épreuves à partir de la page 141 n° 1 » au crayon bleu dans le coin supérieur gauche. (Traces de pliures.)
Second placard : 21 fragments manuscrits sur 4 colonnes sur 1 f. in-folio (495 x 645 mm), au filigrane « Daguerre ». Annotation manuscrite du typographe « Cahier violet n°17 » au crayon bleu dans le coin supérieur gauche. (Traces de pliures.)

Deluxe edition copy of Proust's A l'Ombre des Jeunes Filles en Fleurs, including two unrecorded Proust placards, one entirely handwritten recounting the first sight of Albertine by the narrator.

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07 Oct 2019
France, Paris
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