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VERLAINE. Chez soi à l'hôpital. Manuscrit autographe. [1894]. 6 ff. in-12. Demi-maroquin violet (Semet & Plumelle).

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VERLAINE, PAUL

CHEZ SOI À L’HÔPITAL [L’HÔPITAL CHEZ SOI]. PARIS, JUIN 1894". MANUSCRIT AUTOGRAPHE SIGNÉ.

6 feuillets in-12 (200 x 155 mm). Monté sur onglets. Demi-maroquin bleu à coins, dos lisse (Semet & Plumelle). Signé "Paul Verlaine".
Coiffe supérieure très légèrement usée. Quelques rousseurs et papier légèrement bruni.

Manuscrit abondamment corrigé de ce texte écrit lors du séjour du poète à l’hôpital pendant l’été 1894, et publié dans la Revue Blanche du 15 février 1895. Il présente d'infimes variantes dans le deuxième paragraphe par rapport à la version publiée en 1913 dans les Œuvres posthumes.

Le 1er mai 1894, Verlaine est admis à l’hôpital Saint-Louis pour de nouveaux abcès au pied. Il en sortira le 10 juillet suivant et s’installera à l’hôtel de Lisbonne (4, rue de Vaugirard).

"Là, c’est, selon son mot, le ‘chez soi à l’hôpital’, un chez soi avec le calme, la paix (ah ! les jérémiades d’Eugénie, ses cris, son balais, son plumeau !)" (Album Verlaine, Pléiade, 1981, p. 271).

Contraint et forcé, Verlaine se résout à cet énième séjour à l’hôpital. Seul avec ses livres, il lit et relit (Horace et Virgile), rattrape ses retards en matière de littérature (Sainte-Beuve notamment), dévore la collection du Monde Illustré, reçoit des visites de ses "camarades" et se réjouit des simples distractions que la vie lui offre : les fleurs et les oiseaux.
"Il y menait une vie assez douce, rapporte Cazals. Là les malades jouissaient d’un régime spécial plus luxueux. Il y fut le voisin de lit d’un célèbre escroc américain dont il nous conta, certain dimanche, l’incroyable aventure" (F.-A. Cazals et Gustave Le Rouge, Les Derniers jours de Paul Verlaine, Slatkine Reprints, 1983, p. 40). C’est pendant ce séjour que Verlaine compose Épigrammes.

"Encore une fois j’ai perdu mon pari. Doublement et triplement. Je m’étais promis de n’aller plus à l’hôpital ou tout au moins de ne plus connaître l’hôpital qu’at home. Et voici que le mal me chasse à l’hôpital dehors. Tout le dévouement, toute la gentillesse possibles, la petite aisance, bien précaire, mais si industrieusement employée, rien n’y fait. Le docteur lui-même et la nature de ce mal qui n’est pas dangereux, mais indéracinable aux soins sédentaires, me forcent d’y retourner, pour la quantième fois, bon Dieu du ciel ? Du moins, tant qu’il me restera quelque extrême, quelque suprême ressource pécuniaire, eh bien, je serai chez moi à l’hôpital. Et m’y voici.
C’est le plus grand hôpital de Paris, le plus vieux aussi, et de fait, en ce temps de mots médiévistes, ça pourrait s’appeler une maladrerie […] J’y jouis, dans un pavillon galamment baptisé [le pavillon Gabriel], d’une chambre où j’ai surtout ceci d’être seul avec des livres — et des visites tant que j’en veux. Le traitement consiste principalement en pansements. C’est ennuyeux, avec des distractions dont la principale consiste à constater de visu des améliorations dont le médecin connaît plus circonspectement en général […] Voici d’ailleurs venu le temps où je dois y mettre du mien : il me faut essayer de marcher. C’est la troisième fois depuis ce maudit mal (neuf ans déjà) que je renouvelle ces tentatives dont je sors jusqu’à présent un peu plus boiteux chaque fois […] Ah ! le joli bébé que je fais avec ma canne et ma main se raccrochant à tous les angles de tous les objets […] Des camarades ‘s’amènent’. Alors, selon les gens, c’est la joie pure ou une médiocre distraction […] Mais voilà mon amie. Elle, c’est la vie. Sans elle, quoi ? Elle me gâte, m’apporte des douceurs, trop parfois. Elle doit se priver. Ça, je ne le veux pas, mais allons donc ! et les friandises s’accumulent. Et les fleurs donc ! Elle m’a fait aimer les fleurs, les fleurs sur la fenêtre, les fleurs qu’on met dans un verre, les fleurs apprivoisées, discrètes, familières, qu’on croirait toujours les mêmes, qui vous parlent tout bas, dirait-on, et à qui on parle presque […] J’ai dit tout à l’heure que j’avais des livres. C’est vrai. Des livres de toutes sortes. Je profite habituellement des trop nombreux loisirs que me donnent ou plutôt que me laissent mes, au fond, laborieuses journées de maladie ou de convalescence, pour lire ou relire ; car j’ai tant et si mal lu tel bouquin autrefois, et toujours poursuivi par mon paresseux éclectisme, mon éclectisme plutôt décousu, soyons juste et précis une fois, fût-ce envers nous-mêmes. Un de mes retardataires ou de mes retardés, comme vous voudrez, du moment, aura été ce précieux Volupté de Sainte-Beuve, que j’ai su par morceaux, jadis, presque par cœur […] Et puis ? Et puis, ah tiens, j’ai relu Horace. Et je m’étonne de le lire presque sans dictionnaire ni traduction. Sa ‘Sagesse’ n’est guère la mienne, mais quel latin qui serait le premier sans Virgile, que je relis aussi ! Et alors, quelle toute-jouissance, en dépit de Hüysmans et de son fâcheux des Esseintes, bien que celui-ci aime, paraît-il, mon faire « un peu moisi » ! Il est vrai que tous deux méprisent Virgile. Excusez du peu ! […] J’y...

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22 Jun 2020
France, Paris
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VERLAINE, PAUL

CHEZ SOI À L’HÔPITAL [L’HÔPITAL CHEZ SOI]. PARIS, JUIN 1894". MANUSCRIT AUTOGRAPHE SIGNÉ.

6 feuillets in-12 (200 x 155 mm). Monté sur onglets. Demi-maroquin bleu à coins, dos lisse (Semet & Plumelle). Signé "Paul Verlaine".
Coiffe supérieure très légèrement usée. Quelques rousseurs et papier légèrement bruni.

Manuscrit abondamment corrigé de ce texte écrit lors du séjour du poète à l’hôpital pendant l’été 1894, et publié dans la Revue Blanche du 15 février 1895. Il présente d'infimes variantes dans le deuxième paragraphe par rapport à la version publiée en 1913 dans les Œuvres posthumes.

Le 1er mai 1894, Verlaine est admis à l’hôpital Saint-Louis pour de nouveaux abcès au pied. Il en sortira le 10 juillet suivant et s’installera à l’hôtel de Lisbonne (4, rue de Vaugirard).

"Là, c’est, selon son mot, le ‘chez soi à l’hôpital’, un chez soi avec le calme, la paix (ah ! les jérémiades d’Eugénie, ses cris, son balais, son plumeau !)" (Album Verlaine, Pléiade, 1981, p. 271).

Contraint et forcé, Verlaine se résout à cet énième séjour à l’hôpital. Seul avec ses livres, il lit et relit (Horace et Virgile), rattrape ses retards en matière de littérature (Sainte-Beuve notamment), dévore la collection du Monde Illustré, reçoit des visites de ses "camarades" et se réjouit des simples distractions que la vie lui offre : les fleurs et les oiseaux.
"Il y menait une vie assez douce, rapporte Cazals. Là les malades jouissaient d’un régime spécial plus luxueux. Il y fut le voisin de lit d’un célèbre escroc américain dont il nous conta, certain dimanche, l’incroyable aventure" (F.-A. Cazals et Gustave Le Rouge, Les Derniers jours de Paul Verlaine, Slatkine Reprints, 1983, p. 40). C’est pendant ce séjour que Verlaine compose Épigrammes.

"Encore une fois j’ai perdu mon pari. Doublement et triplement. Je m’étais promis de n’aller plus à l’hôpital ou tout au moins de ne plus connaître l’hôpital qu’at home. Et voici que le mal me chasse à l’hôpital dehors. Tout le dévouement, toute la gentillesse possibles, la petite aisance, bien précaire, mais si industrieusement employée, rien n’y fait. Le docteur lui-même et la nature de ce mal qui n’est pas dangereux, mais indéracinable aux soins sédentaires, me forcent d’y retourner, pour la quantième fois, bon Dieu du ciel ? Du moins, tant qu’il me restera quelque extrême, quelque suprême ressource pécuniaire, eh bien, je serai chez moi à l’hôpital. Et m’y voici.
C’est le plus grand hôpital de Paris, le plus vieux aussi, et de fait, en ce temps de mots médiévistes, ça pourrait s’appeler une maladrerie […] J’y jouis, dans un pavillon galamment baptisé [le pavillon Gabriel], d’une chambre où j’ai surtout ceci d’être seul avec des livres — et des visites tant que j’en veux. Le traitement consiste principalement en pansements. C’est ennuyeux, avec des distractions dont la principale consiste à constater de visu des améliorations dont le médecin connaît plus circonspectement en général […] Voici d’ailleurs venu le temps où je dois y mettre du mien : il me faut essayer de marcher. C’est la troisième fois depuis ce maudit mal (neuf ans déjà) que je renouvelle ces tentatives dont je sors jusqu’à présent un peu plus boiteux chaque fois […] Ah ! le joli bébé que je fais avec ma canne et ma main se raccrochant à tous les angles de tous les objets […] Des camarades ‘s’amènent’. Alors, selon les gens, c’est la joie pure ou une médiocre distraction […] Mais voilà mon amie. Elle, c’est la vie. Sans elle, quoi ? Elle me gâte, m’apporte des douceurs, trop parfois. Elle doit se priver. Ça, je ne le veux pas, mais allons donc ! et les friandises s’accumulent. Et les fleurs donc ! Elle m’a fait aimer les fleurs, les fleurs sur la fenêtre, les fleurs qu’on met dans un verre, les fleurs apprivoisées, discrètes, familières, qu’on croirait toujours les mêmes, qui vous parlent tout bas, dirait-on, et à qui on parle presque […] J’ai dit tout à l’heure que j’avais des livres. C’est vrai. Des livres de toutes sortes. Je profite habituellement des trop nombreux loisirs que me donnent ou plutôt que me laissent mes, au fond, laborieuses journées de maladie ou de convalescence, pour lire ou relire ; car j’ai tant et si mal lu tel bouquin autrefois, et toujours poursuivi par mon paresseux éclectisme, mon éclectisme plutôt décousu, soyons juste et précis une fois, fût-ce envers nous-mêmes. Un de mes retardataires ou de mes retardés, comme vous voudrez, du moment, aura été ce précieux Volupté de Sainte-Beuve, que j’ai su par morceaux, jadis, presque par cœur […] Et puis ? Et puis, ah tiens, j’ai relu Horace. Et je m’étonne de le lire presque sans dictionnaire ni traduction. Sa ‘Sagesse’ n’est guère la mienne, mais quel latin qui serait le premier sans Virgile, que je relis aussi ! Et alors, quelle toute-jouissance, en dépit de Hüysmans et de son fâcheux des Esseintes, bien que celui-ci aime, paraît-il, mon faire « un peu moisi » ! Il est vrai que tous deux méprisent Virgile. Excusez du peu ! […] J’y...

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